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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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R.E.P. Paras et légionnaires, entre deux opérations, déambulent à la nuit

tombante sur la place Marquet ou sous les arcades de la rue Clemenceau.

Ici, plus que partout ailleurs peut-être sur le sol d'Algérie, on se sent en

France.

La ville européenne, tassée sur l'amphithéâtre regardant le port, est un

dédale de ruelles et d'escaliers. Les véhicules n'y circulent qu'avec peine. La

police et l'autorité militaire locales ne cachent pas leurs sympathies pour

l'Algérie française et au 2 e R.E.P., fortuitement au repos après quelques

rudes combats dans l'Aurès, et qui était prévu pour assurer la sécurité du

chef de l'Etat, les commandants de compagnie et l'encadrement ne font pas

mystère non plus de leurs sentiments. Complicités actives ou tacites sont

donc acquises dans un cadre naturel favorable. Dans de telles conditions,

l'opération projetée est parfaitement réalisable et présente le maximum de

chances de succès et de possibilités d'esquive, le coup fait.

Le commando civil qui prépare l'action a prévu de mitrailler de Gaulle à

courte distance sur le chemin de l'aéroport – dans les grands virages près de

l'usine à pipes – et plus sûrement dans l'artère principale étroite et bordée de

hauts immeubles occupés uniquement par des Européens et aux sorties

arrière faciles vers la ville haute. La surprise, les connivences, assureront

les quelques instants nécessaires à la retraite et au retour à l'anonymat.

Qui a révélé l'attentat envisagé ? Un israélite, membre du commando et

ancien de l'Irgoun, a parlé à des coreligionnaires. Les services secrets

israéliens, informés, ont jugé utile d'alerter la présidence de la République

française dans l'espoir que leur pays serait payé en retour. L'avenir devait

sans doute beaucoup les décevoir...

De Gaulle, prévenu, annule son étape philippevilloise et rentre

directement en France. Plus encore que l'attentat, la crainte de tomber entre

les mains de militaires insurgés précipite son retour. De Gaulle prisonnier

des partisans de l'Algérie française ! Un capitaine para – qui sera par la

suite condamné à mort par contumace – y pensait sérieusement et aurait

sans doute tenté le coup si l'attentat civil avait échoué. Pour de Gaulle, une

page se tourne. Il ne remettra plus jamais les pieds sur le sol algérien 8 .

Emporte-t-il avec lui les clameurs de ceux qui l'acclament et de ceux qui le

maudissent ? Du moins a-t-il échappé à son premier attentat. En arabe, cela

s'appelle avoir la baraka. La baraka, de Gaulle la gardera, mais il en aura

besoin.

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