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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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prodigieuse de ce corsaire qui donne une province au sultan et dont le nom

pour les Algérois évoquera par la suite une prison 9 .

Les trois siècles turcs qui s'ouvrent n'ont rien de notable dans l'histoire de

l'Algérie. Point de civilisation marquante. Point d'œuvres d'art vraiment

significatives. Point d'événements historiques lourds de lendemains. A

l'ouest, le Maroc forge son unité, engendre une monarchie et se crée une

personnalité. A un degré moindre, il en est de même à l'est, en Tunisie. Le

Maghreb central vit sans horizons. Un historien ne verra en cette époque

qu'« obscurité, anarchie, expédients sans vergogne, meurtres politiques, loi

du plus fort et du plus cruel » 10 .

La terre algérienne d'alors, dans une vision européenne, est celle du

barbaresque, c'est-à-dire du corsaire au pavillon redouté des paisibles

navigateurs. Cela est vrai, mais cette image simplifiée et peut-être primaire

mérite éclairage car l'Algérie des Turcs sera celle que trouvera la France.

Qu'en est-il donc exactement de la vie de ce pays et de ses rapports avec ses

voisins et plus particulièrement l'Occident chrétien ?

Le Grand Turc règne officiellement sur l'Algérie. C'est dire que le pays

est dans la mouvance du sultan ottoman de Constantinople. Est-il province,

colonie ou protectorat ? La domination turque est complexe.

Le pouvoir central déjà n'est point une donnée simple. L'agent officiel et

effectif de la Porte est le beylerbey qui, en 1671, prendra le titre de dey.

Gouverneur primitivement désigné à vie, puis pour trois ans par

Constantinople, il deviendra l'homme d'une faction. Deux puissances en

effet se disputent à Alger la prééminence : les janissaires de l'Odjaq et les

corsaires.

Les premiers sont des Turcs, du moins dans leur ensemble. « Bœufs

d'Anatolie », comme les désignent par raillerie leurs adversaires, ils ont

l'humeur difficile. Renverser les marmites, c'est-à-dire se révolter, fait partie

de leurs traditions. Milice officielle, ils ont mission de représenter l'Etat et

en particulier de faire assurer le paiement de l'impôt.

Les seconds, les corsaires, sont dans leur grande majorité des renégats

des rivages méditerranéens (Calabre, Sicile, Corse, îles grecques) qui

trouvent leur profit dans cette vie aventureuse. La corporation des

capitaines corsaires – taïfa des raïs – s'oppose à la caste militaire de l'Odjaq

qui entend bien patronner l'Etat. Cette rivalité s'achève le plus souvent dans

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