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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Boulaïd, lui, est un enfant de Lambèse, ce village de colonisation bâti sur de

célèbres ruines romaines et fameux par son pénitencier, au pied du Chélia,

sommet de l'Aurès. Meunier, transporteur, il est à l'aise, ce qui ne l'empêche

pas de militer depuis la fin de la seconde guerre mondiale qu'il a faite avec

distinction dans les rangs de l'armée française. Il a du poids et son jugement

fait autorité car l'homme est estimé. Boudiaf, qui a été responsable de la

Fédération de France du M.T.L.D., s'est beaucoup déplacé. Ainsi, il a connu

Ben Boulaïd, qui a fait partie de l'O.S.

Les trois autres du groupe des cinq sont plus jeunes et moins affermis. Ils

ont aussi appartenu à l'O.S. Tous ont la même idée fixe : l'indépendance ne

peut s'acquérir que par les armes et l'heure en est venue. L'heure est venue

parce que bien des éléments paraissent favorables. En Algérie, si le peuple

se tait, à cause de l'indolence de ses chefs, la poussée démographique

augmente sa misère. Il y a, on l'a vu, 850 000 chômeurs ou sous-employés.

C'est énorme sur une population totale de huit millions de personnes. Pour

les jeunes, de plus en plus nombreux, l'horizon professionnel est bouché

faute de formation. Une immense masse de manœuvre est disponible.

A l'étranger, la décolonisation est un phénomène bien amorcé. L'armée

française est embourbée en Indochine. La Tunisie, le Maroc bougent. Au

Caire, le nouveau régime du colonel Nasser exalte le tiers monde et la

grandeur arabe.

Ce petit noyau des « cinq », même si son niveau d'instruction est

modeste, a conscience des grands bouleversements qui ébranlent les anciens

grands empires. Trois de leurs compagnons de parti, Ahmed ben Bella, Aït

Ahmed, Mohamed Khider, sont en Egypte. Tous trois exilés suite au holdup

de la grande poste d'Oran, ils constituent la délégation extérieure du

M.T.L.D. Par eux arrive l'écho des mouvements d'émancipation et des

complicités qu'ils peuvent escompter.

Début 1954, hors des sentiers battus des zizanies entre messalistes et

centralistes, les cinq ouvrent une nouvelle voie qui n'est pas sans rappeler

un peu celle de l'O.S. Ils créent le C.R.U.A., Comité révolutionnaire pour

l'unité et l'action. Unité, car ils espèrent refaire l'unité du parti, action

surtout, car ils sont décidés à y passer très vite. Mais, à la différence de

l'O.S., ce n'est pas à une série de coups ponctuels qu'ils songent, c'est à un

vaste mouvement d'ensemble, cheminement inéluctable d'un processus de

guerre conduisant à l'indépendance.

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