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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Pour certains musulmans, qui ne voient pas l'entité algérienne, la France

peut apparaître comme la mère patrie dont tout individu a besoin. Ce fut

longtemps, par exemple, la position de Ferhat Abbas et de ses amis. La

France garde malgré tout son auréole de grande puissance. Ceux qui ont

franchi la Méditerranée ne rapportent pas obligatoirement mauvaise image

d'un pays dont, dans le fond d'eux-mêmes, ils ont admiré les réalisations.

Dans l'Algérie qui s'engage vers la guerre civile le service de la France

est bien ancré. De nombreux Algériens ont versé leur sang. Des centaines

de milliers d'entre eux ont combattu sous le drapeau tricolore en France, en

Italie ou en Indochine. Des familles entières respectent une tradition de

loyaux serviteurs : familles de « grande tente » ralliées depuis fort

longtemps, familles nouvelles venues en souvenir d'un ascendant peut-être

valeureux tirailleur de Champagne ou de Verdun.

Le fait français ne peut donc, dans la population musulmane, être

comparé à une vulgaire collaboration liée à une quelconque idéologie ou à

une loi d'intérêt avec un nouvel occupant. La filiation française est normale.

C'est la révolte qui choque et surprend. Les drames de conscience face aux

choix entre la patrie française et la patrie algérienne existeront. On le verra

nettement avec l'affaire des officiers algériens en 1957, ces soldats déchirés

de devoir tout remettre en cause. Dans bien des cas, la communauté de foi

religieuse, le lien du sang, créeront la différence au profit du sentiment

algérien, mais rien n'est évident en novembre 1954.

Il y aura aussi ceux, nombreux, qui, après une autre option, se rallieront à

la France. Lassitude devant des combats qui paraissent sans fin et sans

espoir, écœurement réel devant les purges que quelques exaltés imposent

aux maquis, retournement des prisonniers par l'action dite psychologique,

espérance d'une solution française honorable, telles apparaissent les

principales motivations qui conduiront des combattants à changer de camp.

Ceux-là, pour preuve de leur bonne foi ou de leur adhésion, donneront des

gages. Condamnés à mort en puissance par le F.L.N., ils seront les plus

implacables. Ayant brûlé leurs vaisseaux, ils ne pourront plus faire demitour.

Ainsi, d'engagements en ralliements, l'armée française comptera,

en 1960, 210 000 musulmans sous ses drapeaux. Chiffre énorme où la

quasi-totalité se compose de volontaires à des titres divers. On en reparlera.

Un vocable populaire les rassemblera, par la suite, sous le nom de harkis.

Ils paieront lourdement la confiance qu'ils avaient placée en la France.

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