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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Si le gouvernement de Front populaire sanctionne ce qu'il regarde comme

des menées antifrançaises, il entend néanmoins, fidèle à ses idéaux,

apporter plus d'égalité en Algérie. Le président du Conseil, le socialiste

Léon Blum, élabore, avec Maurice Violette, un projet qui portera leur

double nom. Maurice Violette, sénateur, a été gouverneur général de

l'Algérie de 1925 à 1927. Il y a laissé une réputation de libéral et il avait

lancé aux Européens, avant son départ :

« Prenez garde. Les indigènes d'Algérie, par votre faute sans doute, n'ont

pas encore de patrie, ils en cherchent une. Ils vous demandent la patrie

française. Donnez-la-leur vite, sans cela, ils en feront une autre. »

Ce projet Blum-Violette s'inscrit dans une perspective politique qui ne

variera guère au niveau français : élever au rang de citoyens les musulmans

qui en sont dignes. Décrets Clemenceau en 1919, ordonnance de Gaulle en

1944, statut de 1947, projet Blum-Violette procèdent sensiblement de la

même veine. Egalité politique pour tous : non. Egalité pour l'élite : oui.

Dans la pratique, une telle conception ne bouleverse pas grandement les

données de la vie algérienne.

Le texte mis au point à la fin de l'année 1936 prévoit pour certains

musulmans « l'exercice des droits politiques des citoyens français sans qu'il

en résulte aucune modification de leur statut ou de leurs droits civils ». Il

ouvre ainsi la porte de la cité française à un groupe

de 20 000 à 25 000 personnes : anciens officiers et sous-officiers, décorés

pour faits de guerre, diplômés universitaires (au-delà du brevet

élémentaire), représentants, élus, fonctionnaires d'autorité, titulaires de la

médaille du travail, secrétaires de syndicats ayant exercé leurs fonctions

pendant dix ans. Tel qu'il est, il n'a rien de révolutionnaire mais a le mérite

de toucher toutes les catégories socioprofessionnelles et de pouvoir

envisager autre chose.

Il trouve un bon écho chez les congressistes de juin 1936 ainsi que dans

l'opinion publique musulmane. Tous y voient un premier pas comme

l'admet Ben Badis, le chef des oulémas. En revanche, côté français, c'est le

refus. En France, l'opinion n'est pas prête. Le débat traîne à la Chambre. Le

gouvernement manque d'autorité pour l'imposer, bien qu'il ait une majorité.

En Algérie, le tollé est général. Début 1938, la Fédération des maires et

adjoints spéciaux – des Européens – fait planer la menace de sa démission

et le risque de bloquer la vie administrative. La presse locale attaque à fond

le projet :

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