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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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piétine chez lui comme ailleurs. Sa propre troupe est sur la défensive. Les

populations attendent, indécises.

Fin juin, Zighout Youssef réunit son état-major, sous le couvert de la

presqu'île de Collo. L'immensité de la forêt de chênes-lièges, le maquis de

genévriers, arbousiers, lentisques, offrent une sécurité totale. Plusieurs jours

durant, les compagnons de Zighout Youssef débattent de l'idée de leur chef :

lancer la masse musulmane encadrée par une poignée de maquisards à

l'assaut de la communauté européenne. Ce serait à nouveau la djihad, la

guerre sainte. Projet révolutionnaire, projet sanguinaire, mais projet

susceptible d'enflammer ce Nord-Constantinois où les souvenirs et les

rancœurs de mai 1945 restent vivants. Par la même occasion, les

musulmans timorés, les sympathisants de la France, seront éliminés. Le

pays comprendra vraiment que la guerre est totale et qu'il n'est pour un

Algérien d'autre choix que de rallier le F.L.N. ou mourir.

L'accord se fait. La date est fixée. Ce sera le 20 août, deuxième

anniversaire de la déposition par les Français du sultan du Maroc,

Mohamed Ben Youssef. Les Algériens démontreront ainsi leur communion

de pensée avec leurs frères marocains. Il reste moins de deux mois pour se

préparer. De ces préparatifs, les services de renseignements français auront

quelque écho. On a vu la démarche du capitaine du 2 e bureau à

Philippeville. Rien ne sera vraiment fait pour tenter de parer le coup.

*

* *

Il est midi et la folie meurtrière se déchaîne sous un soleil de plomb.

Depuis le matin, des centaines et des centaines de fellahs descendus des

douars environnants se sont massés aux abords de Philippeville. On a ravivé

leurs vieilles colères. On leur a dit que c'était le grand jour, que l'armée

égyptienne allait débarquer, que l'heure était venue de tuer tous les roumis.

Noyés dans la foule munie de serpes, de faux ou de machettes, quelques

combattants armés de Zighout Youssef attisent le feu.

Les manifestants se précipitent faubourg de l'Espérance, détruisant et

brûlant. Les Européens rencontrés sont massacrés mais à cette heure

brûlante il y en a peu dans les quartiers périphériques. Le flot aborde la rue

Clemenceau, l'artère principale de la ville, et commence à la remonter en

direction du centre.

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