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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Pour gagner à El-Milia, il faut du monde, et longtemps, car le maquis

exige un combattant au mètre. C'est la règle pour progresser dans une

végétation qui entrave la marche et isole les combattants.

Il faudra là aussi attendre le plan Challe pour ratisser 2 un secteur que le

commandement regarde, non sans raison, comme « pourri ».

Il y aura aussi un autre vocable fameux : « Grenouillez ! Grenouillez ! Ne

restez pas inactifs ! » traduisant parfaitement l'incapacité intellectuelle de

plus d'un chef à concevoir une tactique précise et à en assumer l'exécution.

Pour les exécutants, grenouiller signifie se déplacer, patrouiller, tendre des

embuscades, sans grande idée de manœuvre ni grandes perspectives de

résultats. Et cela, en dépit des conditions climatiques. Grenouiller par 35 o à

l'ombre !

Avec Tébessa, le fond de tableau change. L'horizon couleur de sable

oublie la verdure dans un paysage où la végétation s'estompe de plus en

plus en s'enfonçant vers le sud.

Tébessa, l'antique Théveste, est une cité deux fois millénaire. Les

Romains l'ont embellie, les Vandales détruite, les Byzantins reconstruite, les

Arabes occupée, les Turcs ignorée et les Français agrandie. Caserne de la

conquête bâtie autour de ruines romaines et d'un marché arabe, elle est

aujourd'hui une ville guerrière, P.C. du secteur autonome de Tébessa. Ici, à

quelques encablures de la Tunisie, la reprise des moteurs de G.M.C., le

miaulement des automitrailleuses, le crissement des jeeps assurent le fond

sonore quotidien. Dans les baraquements du camp de passage, les régiments

paras se relèvent régulièrement. A la sortie de la ville, sur l'aérodrome collé

à la route qui mène à la frontière, les T-6 d'appui et d'observation

bourdonnent dès l'aube. Le seul havre de paix est peut-être le bordj de

l'administrateur derrière ses hauts murs.

A Tébessa, qui apparaît de très loin tassée au pied de l'Anoual d'où Chérif

Mahmoud voulait surgir pour l'occuper, du moins voit-on clair. L'horizon

est dégagé. Ce n'est pas l'étouffement ou l'oppression d'EI-Milia. Une

sensation de grandeur saisit le nouvel arrivant. La steppe s'étale et bute sur

des djebels qui se dressent, altiers et massifs. Des djebels que les rigueurs

climatiques ont arasés. Ils ne sont plus qu'une succession de tables empilées

les unes sur les autres, coupées de falaises ou d'éboulis. Au hasard, les

oueds se sont frayé des gorges, véritables Colorados avec dans leurs fonds

des traces d'éphémères cours d'eau. Parfois, un ensemble s'est affaissé en un

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