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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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Quelques heures plus tard, il est exécuté par le capitaine X... et une section

du 1 er R.C.P. Le comité des « six » a perdu un membre de plus.

Après ce coup et les vagues d'arrestations qui ont débouché sur les

quantités importantes de matériel saisi, Salan et Massu pensent la partie

gagnée et desserrent leur étreinte. Des régiments paras repartent pour les

djebels, d'autant que leurs méthodes, si efficaces soient-elles, provoquent

des remous.

Paradoxalement la voix qui s'élève pour protester et qui aura au début le

plus d'impact, même si elle n'est pas tout à fait la première, est celle d'un

militaire, para lui-même, général en renom, compagnon de la Libération,

Paris de Bollardière. Muté en métropole pour ses prises de position devant

la « tactique Massu » à Alger, il laisse publier par l'hebdomadaire l'Express

une lettre où il reprend les réserves et les critiques qu'il a exprimées en

Algérie à ses supérieurs.

De Bollardière, à moyen terme, brisera sa carrière. Pour ses pairs, il a le

tort de révéler ouvertement ce que tout le monde sait, ce que tout le monde

pratique. La torture est née du besoin de savoir bien avant la bataille

d'Alger. Celle-ci, par l'avancée de la capitale sur la scène politique et

l'audience de certaines victimes, n'a fait que déchirer le masque. La torture,

à des échelles variables, les officiers de renseignements, les chefs de poste,

les commissariats civils l'utilisent. Dans les secteurs ou les quartiers, les

responsables du 2 e bureau ont leurs équipes spécialisées. La hiérarchie ne

l'ignore pas. Comme à Alger elle couvre, elle étouffe. Les généraux, les

colonels sont pleinement au courant tout comme les fonctionnaires civils,

préfets ou administrateurs. Rares sont ceux qui renâclent ou interdisent. Le

silence pudique est de règle.

A Chekfa, en Petite-Kabylie, durant les opérations « Pierres précieuses »

de l'hiver 1959-1960, le colonel commandant le X e régiment a sa chambrebureau

dans une pièce jouxtant le local de l'officier de renseignements. Il ne

peut rien ignorer de ce qui se passe au-delà de la mince cloison. Parfois il

entrouvre la porte et interroge : « Alors, qu'est-ce qu'il raconte de beau,

votre gars ? »

Un an plus tard, son successeur, un lieutenant-colonel, fait exécuter, le

28 mars, trois prisonniers rescapés d'un très dur combat l'avant-veille dans

l'Amar-Kraddour, au sud du massif de l'Aurès. Illustration entre mille de

pratiques devenues courantes et dont personne ne s'insurge, hormis de

Bollardière et certains milieux.

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