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Pierre Montagnon - La guerre dAlgerie

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On prête surtout à l'éminence grise, François Coulet, qui ne l'aime pas,

d'avoir obtenu sa tête. Crépin part commander en chef en Allemagne. La

porte de sortie est plus qu'honorable, Fernand Gambiez, précédemment

inspecteur de l'infanterie, lui succède. Il a cinquante-sept ans, ce petit

général gratifié du sobriquet de Nimbus. Plus habile qu'intelligent, doué de

bonnes qualités de synthèse, il a su tisser sa toile avec obstination. Il s'est

jadis, à la tête du bataillon de choc, glorieusement dédouané de son

pétainisme d'un temps. On l'a vu en Indochine et en Tunisie. C'est là que le

bât le blesse, surtout dans l'esprit des jeunes officiers, pour lesquels il se

présente comme la capa sur le taureau. Le général, qui a amené le drapeau à

Saigon, qui a subi des vexations à Tunis, arrive, à tort ou à raison, avec une

solide étiquette de bradeur. Comme on le sait zélé et ambitieux, on se doute

de la politique qu'il vient mettre en œuvre. Gambiez à Alger, les desseins de

De Gaulle s'éclairent un peu plus. Il n'en faut pas plus pour élever encore la

tension dans les rangs d'une partie de l'armée française.

A vrai dire, depuis quelques semaines, voire quelques mois, un esprit

nouveau règne dans les cantonnements. Les cadres ne sont plus en phase

avec le chef qu'ils ont, par leur action, tiré de sa retraite de Colombey-les-

Deux-Eglises. De Gaulle est devenu la bête noire, l'ennemi. Les slogans

injurieux filent à son adresse. Le moindre n'est pas celui de « Grande

Zohra » qui assimile le visage le plus connu de France à celui d'une vieille

guenon. Des manifestations de mauvaise humeur, tempérées

obligatoirement par le règlement, se produisent de-ci de-là. Dans les

régiments de paras ou de légion, les commandants de compagnie enterrent

leurs morts en rappelant devant leurs cercueils qu'ils sont tombés pour que

vive l'Algérie française. Au 1 er R.E.P., les incidents prennent une autre

dimension. Le colonel Dufour, en décembre, est brutalement muté en

France. En janvier, plusieurs officiers subissent le même sort. Motif : avoir

organisé, le jour du référendum, une « grève » des opérations pour protester

contre l'inutilité apparente du sacrifice demandé à leurs légionnaires.

Car, sur la frontière tunisienne et surtout dans l'Aurès, la guerre se

poursuit. Le barrage est toujours hermétique, encore faut-il le couvrir. A

quelques portées de fusil des barbelés électrifiés, s'alignent les campements

de l'A.L.N. et plus d'un officier piaffe devant leur invulnérabilité

diplomatique. Quelques coups de main hardis les réduiraient à rien,

supprimant bien des causes de harcèlement. Dans l'Aurès et les Beni-

Melloul, la destruction des dernières katibas s'achève, mais les paras de

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