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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 99 Écriture du gascon<br />

On voit par là que les unes comme les autres sont “phonétiques” ou plus exactement<br />

“phonologiques”, c’est-à-dire que les graphèmes représentent sinon un son physiquement unique,<br />

comme tendent à le faire les alphabets phonétiques, du moins un ensemble de réalisations phonétiques<br />

apparentées et considérées comme équivalentes pour la compréhension. La seule différence,<br />

mais elle est importante en pratique, c’est que le code qui relie phonèmes et graphèmes est plus<br />

simple et plus facile à apprendre dans une graphie moderne que dans une graphie classique. Ainsi,<br />

le français qui use de ai pour /!/ attache à ce digramme ancien une valeur phonétique moderne, qui<br />

a remplacé sa première valeur de /a"/; ai pour /a"/ relevait d’un code phonologique simple et immédiat,<br />

ai pour /!/ est toujours “phonologique”, mais au prix d’un code conventionnel et arbitraire.<br />

Et j’insisterai sur le fait que l’opposition moderne / classique caractérise des tendances,<br />

chaque type de graphie s’écartant parfois de sa ligne principale : les modernes, en conservant un ou<br />

autre graphème ancien, considéré comme emblématique; les classiques, en adoptant des graphèmes<br />

ou des formes nouvelles à cause de l’évolution de la langue.<br />

2 – Le Moyen âge<br />

L’orthographe est loin d’avoir été absente des préoccupations des scribes médiévaux et l’on<br />

peut citer de nombreux traités de orthographia. Mais ils avaient pour objet l’écriture du latin,<br />

langue de l’Église, du pouvoir et du droit, de la culture enfin.<br />

La prétendue « graphie des troubadours »<br />

La “langue romane” du Midi de la France a eu aussi ses traités d’orthographe, dont le<br />

premier, le Donatz proençals, est daté de 1240; mais le gascon n’intéressait pas leurs auteurs;<br />

n’était-il pas déjà considéré comme étranger, si l’on en croit le Descort plurilingue de Raimbaut de<br />

Vaquèiras des alentours de l’an 1200 ? (cf. Bustos, 1990). Et même pour ce qu’on a appelé la<br />

« langue des troubadours », la grande variété des formes rencontrées est telle que le Pr. Joseph<br />

Anglade « ne voulait même pas qu’on prononçât [le mot d’orthographe], à propos de la façon<br />

d’écrire des troubadours ou de leurs scribes, tant il la trouvait anarchique. » (Gavel, 1942, 7). Aussi<br />

a-t-on pu écrire qu’« Il n’y a jamais eu de graphie des troubadours. » (Sarrail, 1980, 9) … du moins<br />

au sens moderne d’une orthographe régie par des grammaires et constatée par des dictionnaires<br />

sensiblement concordants, les premières comme les seconds.<br />

Au demeurant, les rares textes des troubadours gascons ne nous sont pas parvenus écrits dans<br />

leur langue, mais dans ce que P. Bec appelle l’« occitan commun (troubadouresque) » (Bec, 1997,<br />

15), alors que l’écrit administratif et juridique gascon est extrêmement abondant. Or la “scripta”<br />

gasconne se sépare sur plusieurs points de celle du roman “provençal”, en particulier du roman de<br />

Toulouse, même si l’influence de ce dernier est forte dans la Gascogne orientale.<br />

La scripta “béarnaise”, même loin du Béarn<br />

On a souvent insisté sur le particularisme de la scripta béarnaise, appuyée sur un pouvoir<br />

local quasi indépendant des puissances dominantes; P. Bec (ib., 18) en caractérise ainsi la graphie,<br />

par rapport à celle de Toulouse : « confusion fréquente du v et du b, emploi du x et des digrammes<br />

vocaliques aa, ee, ii, oo, uu, etc. »; on pourrait y ajouter la notation par e de divers a étymologiques<br />

atones, spécialement en « finale féminine », mais dans la mesure où cela note un aboutissement<br />

phonétique particulier du -a, je préfère traiter ce point séparément. En se limitant donc aux autres

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