Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 216 Écriture du gascon
…et les dictionnaires, leurs hésitations et leurs désaccords
Les associations liées à l’I.E.O. n’ont encore publié aucun dictionnaire dans le sens gasconfrançais,
sauf à mentionner le lexique de quelque 1900 mots de Lo gascon lèu e plan “LGLP” (M.
Grosclaude, 1977). Dans l’autre sens, il y en a plusieurs.
Ainsi, dans le Civadot (cf. p. 159), le premier paru, avec 7 000 entrées, on trouve es.hlaquit
(entrée : las,-se), eslamar (flamber), es.hlor (fleur), esloish (lâche, relâché) et es.hloronc (furoncle);
prabar (croître) et pravar (grandir, grossir, pousser); rebomb (écho) et rebom (répercussion); regde
(rigide) et rede (raide); saussar (saucer) et sauçar (tremper); boçon (bouchon) et tirabosson (tirebouchon);
quarrat (carré, oreiller) et carrat (foulard).
Dans Atau que’s ditz… (cf. p. 175), “approuver” se dit aprovar et “prouver”, probar; “cavalier”,
cabal(i)èr et “chevalier”, cavalièr; “combles”, trabatèrs et “poutre”, travetèra; “imperceptible”,
qui n’ei pas perceveder ou de mau percéver et “apercevoir”, apercéber (“percevoir”) manque;
“indulgent”, brabe et “inoffensif”, brave; “extension”, extencion et “tension”, tension; “inoffensif”,
inofensiu et “offensif”, ofenciu; “sauce”, saussa et “saucisse, saucison”, saucissa, saucisson, saucissòt;
“éboulement”, esborolh et “s’écrouler”, esborroar-se; “égratigner”, esgarraishar et “égratignure”,
esgarrachada etc.
Dans la notation classique ajoutée par J. Miró au Dictionnaire de la Grande-Lande
d’Arnaudin (cf. p. 179), assan et bròc-açan “aubépine”; só-hís et hiçar et dérivés; cuvèu et cuba.
Et a fortiori, ces divers dictionnaires ne s’accordent pas toujours : coenta (LGLP) et cuenta
(PDFO-B, Atau…); vesía, haría (LGLP, Fiches de grammaire…) et vesia, haria (PDFO-B, Atau…;
hitge (LGLP, PDFO-B, etc.) et hidge (Que parlam); en.honsar, arrevirar (PDFO-B) et en.honça(r),
arrebirar (Que parlam); foncion, santuari, paishèth (PDFO-B) et fonccion, sanctuari, paishet
(Atau que’s ditz); arrepè, tutèth (PDFO-B, Atau…) et arrepèr, tutet (Miró dans Arnaudin).
… tandis qu’une grande maison d’édition affiche des “fautes” de lecture
La contrépreuve vient de nous être fournie par le célèbre éditeur Assimil publiant Le gascon
de poche sous la signature de M. Jean-Marc Leclercq (2004), avec la « collaboration de Sèrgi Javaloyès,
écrivain ». Le livre est sympathique, et met le gascon, comme d’autres langues d’oc, au
même rang que des dizaines de langues du monde, ce qui mérite d’être noté.
L’auteur use de la graphie classique sans s’en expliquer, ce qui, au demeurant, ne devrait pas
poser de problème dans la mesure où il “sous-titre” tout mot gascon dans une notation phonétique
qui lui est propre (ou peut-être à la collection). Mais il a dû puiser sa connaissance de la langue dans
les livres plutôt que dans la parole vive; aussi, malgré son “collaborateur”, il est tombé dans la plupart
des pièges que les insuffisances de la graphie occitane tendent à qui n’est pas préalablement un
bon gasconophone. D’où quelques monstres phonétiques :
– surtout n en finale ou intérieur et r en finale, trop systématiquement amuïs : con [koû], sonque
[soûké], arron [arroû], pipèr [pipè]; au lieu de [koun, sounké, arroun, pipèr];
– -s final à peu près toujours noté [s], dans l’ignorance de sa sonorisation en [z] devant sonore
(b, d, g, v), l, m et n : las vacas [lass bakos]; au lieu de [laz bakos];
– -a de l’article era donné pour -[o] au lieu de -[a].