13.07.2013 Views

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Jean <strong>Lafitte</strong> 9 Prologue<br />

Puis, en février 2003, dans une communication sur la phonologie du gascon et sa graphie, je<br />

fis observer que si la notation classique de /u/ était théoriquement réglée par l’opposition o ou ó ~ ò,<br />

en pratique, le public n’arrivait pas à s’y accoutumer. Un auditeur me répondit : « C’est simplement<br />

une affaire d’enseignement ». Certes ! Mais que de temps passé dans les écoles à enseigner ces différences<br />

d’avec le français, alors que sont si réduits les temps dont on dispose pour enseigner tout le<br />

reste de la langue !<br />

Enfin, parut chez l’éditeur Princi negue, en mars 2003, un petit livre qui sans doute fera date,<br />

Ninete bajole…; l’auteur en est Jan Bonnemason, naguère conseiller pédagogique d’“occitan” en<br />

Gironde; après avoir propagé la graphie classique de l’I.E.O. pendant des années, il déclare : « j’ai<br />

utilisé la graphie de l’Escole Gastoû Febus pour respecter l’engagement moral de rendre à mes informateurs<br />

ce qu’ils m’avaient donné et comme ils me l’avaient donné. » Chez un homme qui doit<br />

savoir ce qu’il dit et écrit, c’est avouer que la graphie classique ne permet pas d’exprimer la langue<br />

telle qu’elle a été parlée.<br />

Et voilà que pour achever de me “convertir”, il s’est trouvé qu’en juin suivant, j’assistais à la<br />

messe d’un village béarnais le jour de la fête patronale; la petite église était pleine et à la fin, tous de<br />

chanter en chœur Boune May dou Boun Diu {Bonne Mère du Bon Dieu}, écrit en graphie fébusienne<br />

sur la feuille distribuée l’entrée. C’était la confirmation pratique de ce que je sentais depuis<br />

longtemps : à quoi sert une graphie savante du gascon lue par les lettrés de Montpellier ou Nice,<br />

voire de Boston, Vienne ou Tokyo, si les <strong>Gascon</strong>s et <strong>Béarnais</strong> ordinaires ne peuvent la lire ?<br />

J’abandonne ainsi sans regret l’illusion de la graphie classique à laquelle je crus depuis mon entrée<br />

à l’I.E.O.-Paris en 1982.<br />

Ceux qui ont fait des questions de graphie une affaire quasi religieuse me jugeront peut-être<br />

digne du bucher. Mais religion pour religion, après l’Histoire Sainte béarnaise du XIV e s. (Lespy et<br />

Raymond, 1876-7, t. I, p. 124), je rappellerai l’histoire des “Septante”, ces 70 ou plus exactement<br />

72 docteurs juifs qui, selon la Lettre d’Aristée (II e s. av. J.-C.), auraient été invités par le pharaon<br />

Ptolémée II pour traduire en grec la Torah juive, parce que les Juifs hellénisés de la Diaspora ne<br />

comprenaient plus l’hébreu. Dieu sait pourtant la vénération des Juifs pieux pour la Bible et sa langue<br />

originelle… Malgré tout, ces Juifs hellénisés ont jugé la parole divine plus importante que la<br />

forme linguistique qui l’exprimait. Pour moi, c’est bien moins grave, je garde la langue, mais<br />

j’estime qu’elle vaut mieux que la graphie qui la représenta au Moyen-Âge, et que son intelligence<br />

par les gens du XXI e s. est infiniment plus importante que la conservation de formes graphiques anciennes…<br />

et somme toute contingentes.<br />

Mais cela m’oblige à modifier un peu mes plans ! Dans le dossier réuni pour la validation de<br />

mon acquis en vue de l’inscription en thèse, j’avais projeté de présenter « la description d’un système<br />

de graphie “classique” ou savante, ainsi que des suggestions pour rendre plus fiable la graphie<br />

“moderne”, bien plus populaire ». Je garde ce plan, mais en l’infléchissant quelque peu : ma présentation<br />

du système classique aura surtout pour but de faire apparaitre en quoi j’estime devoir modifier<br />

celui de l’I.E.O. pour en atténuer les défauts, tant que l’enseignement officiel restera de fait attaché<br />

au système classique. Cela expliquera en outre certains de mes choix pour améliorer le système<br />

moderne, conséquence de quelque quatorze ans de travaux et réflexions dans le cadre “classique”.<br />

Car j’exposerai ensuite en détail les améliorations qu’il me parait très utile, voire parfois indispensable<br />

d’apporter à la graphie moderne pour qu’elle réponde à l’état actuel de la langue dans la<br />

société gasconne. Et je terminerai par une brève comparaison entre les deux systèmes retouchés.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!