Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 41 Sociolinguistique du gascon<br />
cause de la Langue <strong>Béarnais</strong>e et, à travers elle, par toute la culture Occitane » :<br />
« Il m’a donc fallu apprendre que ce “patois” que j’entendais dans les villages et sur<br />
les places des marchés, c’était la Langue d’oc, la vieille langue des Troubadours. Il m’a<br />
fallu apprendre que cette langue couvrait tout le Midi, de la Provence au Limousin, de la<br />
Marche au Béarn. Surprise de découvrir que sous le vocable infâmant de « patois », se<br />
cachait une véritable langue avec sa grammaire, sa littérature oubliée, ses richesses<br />
insoupçonnées. Surprise de découvrir que le Latin jadis appris sur les bancs du Lycée<br />
chantait encore sur les lèvres des anciens des villages.<br />
« J’ai donc appris à parler et à comprendre le <strong>Béarnais</strong> (très mal, il est vrai, car les<br />
monolingues parisiens sont infiniments [sic] moins bien doués pour les langues vivantes<br />
que les bilingues méridionaux). »<br />
Il fut donc aux côtés de son collègue et ainé Roger Lapassade pour fonder deux ans plus tard<br />
l’association Per nouste qui s’inscrirait dans le grand mouvement méridional de défense de la<br />
langue d’oc, désormais appelée « occitan » (cf. p. 78).<br />
Il est présent dès le premier numéro de la revue lancée sous le même nom de Per nouste en<br />
juin 1967, et déjà, il apparait comme le théoricien politique du mouvement. Son article est en<br />
français, Plaidoyer pour une histoire occitane; mais tout en faisant le procès de l’histoire de France<br />
telle qu’elle est enseignée, du seul point de vue de Paris et de l’agrandissement du “pré carré” royal,<br />
il retrace la conquête du Midi par les Francs du seul point de vue du Languedoc, épicentre de<br />
l’“Occitanie” rêvée; tout comme on enseignait aux petits Sénégalais que leurs ancêtres gaulois<br />
avaient été conquis par Jules César, M. Grosclaude décrit aux <strong>Béarnais</strong> la conquête franque en trois<br />
épisodes : la lointaine bataille de Vouillé qui vit en 507 la victoire de Francs sur les Wisigoths —<br />
on serait pourtant tenté de parler de querelle de Germains —, l’expédition de Charles Martel qui<br />
ravagea ce qui serait plus tard le Languedoc, et enfin la Croisade des Albigeois. Et même, l’auteur<br />
profite de la mention de l’expédition de Charles Martel pour évoquer « l’épisode de Roncevaux »<br />
dont « chacun sait qu’il faut y voir une révolte des populations gasconnes contre les exactions des<br />
guerriers francs ».<br />
Sans être historien, on peut avoir des doutes. Ainsi, pour ce qui est de la Croisade albigeoise,<br />
on sait qu’elle laissa totalement de côté les pays gascons, pour la plupart sous suzeraineté anglaise,<br />
sauf que les rangs des croisés comptèrent nombre de mercenaires gascons… M. Grosclaude l’admet<br />
dix ans plus tard, dans un des dialogues de son manuel Lo gascon lèu e plan, p. 112 : « Mais la<br />
Croisade des Albigeois ne concerna pas la Gascogne. — C’est vrai, la Gascogne resta un peu à<br />
part. ». Quant à enlever Roncevaux aux Basques pour l’offrir aux <strong>Gascon</strong>s et transformer le démantèlement<br />
de Pampelune en dévastation des pays gascons… (cf. Delpla, 1979, p. 84); mais neuf ans<br />
plus tard, l’auteur devait se faire son propre juge : ironisant sur une émission de quatre heures « de<br />
la 2e chaîne couleur » sur le Béarn qui avait « glorifi[é] Roland à Roncevaux », il écrivait : « tout le<br />
monde sait que Roncevaux est au Pays Basque et que c’est une victoire Basque sur les envahisseurs<br />
germaniques. » (P.N. n° 52, 1-2/1976, p. 2).<br />
Par la suite, innombrables sont les articles “orientés” signés par Michel Grosclaude, sans<br />
compter les textes anonymes qu’une analyse de style permettrait sans doute de lui attribuer. L’étude<br />
de cette prose justifierait à elle seule une thèse… Ce fut aussi un vaillant conférencier propagandiste<br />
de la “cause” occitane, donnant à R. Lapassade l’occasion de dire, avec son humour tout<br />
béarnais, son appréciation sur ce militant venu d’ailleurs. Il l’a fait dans un « conte » publié dans le<br />
numéro de Nadau {Noël} de 1972 de la revue Per noste, conte qui n’est même pas accompagné de<br />
la phrase rituelle « Toute ressemblance avec des personnages existants… »; ce conte sera repris