13.07.2013 Views

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Jean <strong>Lafitte</strong> 114 Écriture du gascon<br />

pour des lecteurs non béarnais, comme l’est délibérément la substitution du -e au -a devant voyelle.<br />

Cela rendrait bien compte du fait que les imparfaits, autes-betz, lasbetz, debat, sans équivalent en v<br />

en français, restent en b, tandis qu’un v complice aiderait à lire vejas (que tu voies), vertat (vérité),<br />

vici (vice), viî (vin), vocala (voyelle), volh, volha, voou (de “vouloir”), votz (voix) et bien sûr, vous;<br />

et non moins sûrement, les exceptions dans les deux sens « confirmeraient la règle »… ou en<br />

montreraient la fragilité, selon l’humeur.<br />

En réalité, pour féru de latin qu’il fût, Salette nous apparait comme peu soucieux d’étymologie;<br />

ainsi écrit-il rollo, reguinnaà, comme ils se prononcent, ce qui devait être du gout de M. Grosclaude<br />

qui voyait dans le p et le r de septemer d’une délibération des États de Béarn de 1781 « des<br />

fioritures qui peuvent se justifier par l’étymologie, mais en aucun cas par la prononciation » (1986-<br />

1, p. 127). Cependant, les occitanistes écrivent ròtlo, reguitnar, comme ils ne se prononcent pas…<br />

Salette use aussi d’un tilde sur voyelle à la place du n qui la suit (m$, % legèn, demor&) ou<br />

même d’un m (c$); mais c’est là un usage graphique généralisé qui n’avait pas à être commenté.<br />

Salette donne enfin de longues explications, assorties de nombreux exemples, de la soudure<br />

des pronoms asyllabiques qui « comble […] un fossé entre la langue écrite et la langue parlée »<br />

(Grosclaude, 1983, p. 293). Pour le lecteur francophone, c’était sans doute assez nouveau pour<br />

qu’on le lui expliquât en détail.<br />

Enfin, malgré l’absolue discrétion des commentateurs occitanistes sur le sujet, qu’au<br />

demeurant Salette n’aborde pas dans l’Advertissement, on observe par sa pratique, y compris dans<br />

cet Advertissement, qu’il garde nombre de graphies traditionnelles que conserveront les Félibres,<br />

mais que rejetteront les occitanistes : /we/ par oe (engoera, oelh, hoege, goerre, hoec…); /wa/ par<br />

oa (lengoa, lengoadge, quoauque, quoate, quoan, loquoau, goayre, goastaa…), /dj/ ou /// par dg<br />

(lengoadge, dauantadge, usadge, visadge…), /"/ par y (goayre, caytiu, ey, ley, rey, soy…).<br />

Salette, homme de la graphie moderne<br />

Lettré certes, mais avant tout homme de Dieu, Salette avait une tâche précise à accomplir :<br />

mettre à la disposition de l’Église réformée du Béarn un psautier béarnais qui remplacerait le<br />

psautier français apporté par les ministres venus de France et de Genève. Il était donc tenu par deux<br />

contraintes d’ordre sociolinguistique :<br />

– d’une part, offrir à ses confrères francophones et peu habiles en béarnais un outil dont ils<br />

pourraient user sans commettre trop d’erreurs préjudiciables à leur mission;<br />

– d’autre part, ne pas perturber les fidèles béarnais qui avaient une certaine habitude de leur<br />

langue écrite.<br />

Cela devait le conduire à faire ce que, trois siècles plus tard, le romaniste Paul Meyer<br />

conseillerait à Lespy : « se conformer [aux] traditions orthographiques, sauf à les régulariser et à<br />

leur faire subir les faibles modifications qu’exige l’état actuel de l’idiome » (cf. p. 118).<br />

Tout au long de ce qui précède, nous avons pu voir en effet combien ceux qui avaient étudié<br />

Salette avaient souligné son souci de serrer au plus près la langue de son temps et sa prononciation.<br />

Donc de l’écrire de façon “moderne”, selon la définition que j’ai donnée à ce mot en tête de ce<br />

chapitre (p. 98). C’est ce qu’exprime sans ambages R. Lafont, pour qui on peut prendre finalement<br />

chez Salette « la même leçon que chez Garros : celle d’une réunion de la tradition culturelle autochtone<br />

et de la réflexion moderniste » (ib., p. 379).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!