Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 107 Écriture du gascon<br />
comme amo, dolo, conceptio… ne pouvait servir pour la notation de -a latin (posttonique) : « En<br />
restant fidèle à l’a de la tradition occitane générale et de la scripta gasconne dont il a manié les<br />
textes, Garros ne fait certainement pas acte d’archaïsme volontaire. Il reste simplement fidèle à une<br />
vision structurale graphique, où rien de plus juste que a n’a été trouvé pour noter la finale féminine<br />
puisque o n’est pas libéré pour cet usage. » (p. 411). Cette explication par référence à une scripta<br />
gasconne en -a mériterait sans doute d’être nuancée, tellement sont nombreuses les notations par -e<br />
d’une réalisation affaiblie (cf. p. 101); en réalité, le -e déjà employé n’était pas disponible lui non<br />
plus dans un système rigoureux, puisqu’il notait un /e/ posttonique dans les infinitifs (dize, noze,<br />
perde, corre…) et de nombreux autres mots comme noste, mainatge etc… Mais justifier le recours<br />
au -a étymologique par une meilleure représentation de la prononciation lomagnole de 1550 n’est<br />
pas dépourvu de vraisemblance. Au demeurant, Salette fera de même… Et le -a tonique est très généralement<br />
noté par -á, même devant t : passá, cambiá, auzirá, corbás, granás, botarás, beutát…<br />
Et R. Lafont rejoint A. Berry en concluant : « Cette intelligente mise en ordre du gascon apparaît<br />
donc très moderne » (p. 141). Il y revient dans l’Anthologie de 1974, p. 22 : « Ce linguiste de<br />
génie paraît superficiellement avoir restauré la graphie traditionnelle de l’occitan. En fait sa tentative<br />
est aussi moderniste que traditionnelle. Elle est parallèle à la réflexion d’un Peletier du Mans<br />
sur la graphie du français. Elle utilise bien quelques notations d’ancienne langue d’oc, -a final du<br />
féminin, o fermé et non ou, mais sans doute pour leur commodité. D’autres traits comme ph notant<br />
systématiquement f, ou l’emploi de divers signes diacritiques montrent la volonté d’atteindre au<br />
plus juste et de la façon la plus actuelle la phonologie vivante. »<br />
Ces conclusions me conviennent, mais j’irai plus loin dans ce sens : l’examen attentif de<br />
l’original des Poésies m’a montré un très grand nombre d’occurrences de ou notant /u/ à l’évidence,<br />
ce qui atténue l’affirmation de R. Lafont sur « o fermé et non ou » : ou {ou}, journ, vous, prou,<br />
voup, pourin, acoustumat, hourra, bourg etc., et même en diphtongue paou, espaourit.<br />
Mais Garros n’a pas théorisé son système et s’en est sans doute vite désintéressé pour vaquer<br />
à l’administration de la justice, qui avait son propre vocabulaire et sa tradition d’écriture. Et il n’a<br />
pas fait école, sombrant dans l’oubli jusqu’à sa redécouverte au XIX e s.<br />
Un auteur bien étudié<br />
5 – Arnaud de Salette<br />
Avec Arnaud de Salette (v. 1540-avant 1594), c’est encore un traducteur des Psaumes qui va<br />
nous donner une leçon de graphie gasconne, ou plutôt béarnaise. Robert Darrigrand avait présenté<br />
cette œuvre et notamment sa graphie dans un article de Per Noste, Les Psaumes en langue<br />
<strong>Béarnais</strong>e au XVIme Siècle (Darrigrand, 1969-2); mais nous lui devons surtout leur réédition en<br />
1983, à l’occasion du quatrième centenaire de l’édition originale, qui fut aussi marqué par un<br />
colloque “Arnaud de Salette et son temps” tenu à Orthez.<br />
Entre autres communications, sont particulièrement intéressantes pour notre propos celle du<br />
même R. Darrigrand, celle de Robert Lafont, Situation de la langue d’Arnaud de Salette (Lafont,<br />
1983-1) et celle de Michel Grosclaude, Remarques sur l’orthographe des Psalmes etc. (Grosclaude,<br />
1983); on peut y ajouter de ce dernier les nombreux commentaires et citations qu’il fait des Psalmes<br />
dans La langue béarnaise et son histoire - Étude sur l’évolution de l’occitan du Béarn (1986-<br />
1), la présentation et une bonne traduction de l’Advertissement des Psalmes qu’il reproduit dans La<br />
Gascogne - Témoignages sur deux mille ans d’Histoire (1986-2, pp. 100-105) et un article dans un