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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 127 Écriture du gascon<br />

[1] dans nox …; et la mention de publication dans Reclams rétablit le Sent gascon !<br />

Neuf ans plus tard, en 1920, Palay devait “récidiver” en présentant encore aux Jeux floraux<br />

un poème qui fut lui aussi primé, puis publié en 1921 dans le Recueil de l’Académie des Jeux<br />

Floraux, Toulouse, 1921, pp. 92-110 : La canson d’en Ramon de Sant Gilles, que je cite d’après sa<br />

reproduction dans Reclams 1996 - 1/2/3, pp. 16-25.<br />

Tout comme en 1911, Palay évite la croisade albigeoise et chante ici la première croisade<br />

prêchée en 1099 par le Pape Urbain II pour délivrer le tombeau du Christ des mains des Sarrasins; y<br />

prirent part le Comte de Toulouse Raymond de St-Gilles et le Vicomte de Béarn Gaston le Croisé.<br />

La langue est plus franchement béarnaise, avec des mots ou des formes ignorés du<br />

languedocien (audir, bronir, aperar, apux, carrèras, barrèras, ei, castet, oelh, goardara…); et en<br />

particulier l’article dou, dous (“du, des”), qui pose problème : logiquement, se situant dans le<br />

système Perbosc-Estieu, il devrait se lire [do*[s]], tout comme pou (“peur”) se lit [po*]; mais<br />

[do*[s]] est quasi ignoré des cartes 2461 à 2463 de l’ALG VI, alors que [du[s]] est de très loin la<br />

forme la plus répandue, en Béarn notamment; au demeurant, souci ne peut se lire que [su'si], ce qui<br />

conduit à admettre que Palay a usé ici de ou pour certains /u/…<br />

On trouve aussi des formes languedociennes comme salvat, bela, (n)aut(a)… pour sauvat,<br />

bèra, haut(a)… et surtout, le béarnais est “épuré” du h gascon (!) et de l’énonciatif que; donc fon,<br />

fè, foc, filh, filha, far etc. Mais chassez le naturel… On trouve donc quand même quelques<br />

énonciatifs : un que, « Qu’avetz aci mon amna tota nuda », deux e, « Puxque ma dona e sera dabe<br />

jo » et « Quand subre amor / E s’apitola ! »; et surtout plusieurs be ou b’ dans des exclamatives, où<br />

ils semblent bien distincts de l’adverbe “bien” noté ben par ailleurs : « B’ei la canson qu’un pauvre<br />

trobador / […] acompanha », « b’a l’amna amistoza e proza / Lo noble comte de Toloza ! », « E,<br />

lèu apux, be l’a matat / E son ost fujis, despartat ! » « Aquiu be i a cent mil omis e famas » etc.<br />

Autre retour au naturel, heresa, tahuc, Mahom ou Mahomet qui seront dans son Dictionnaire<br />

(le premier, comme herésse) avec le h gascon, car le Dictionnaire ne note pas l’h muet. Et je ne sais<br />

comment juger de l’exclamation maintes fois répétée Hoi ! : houy gascon est pour Palay le cri pour<br />

chasser l’immonde, notamment les porcs, et hoi ou oi est pour Mistral un cri d’étonnement, toutes<br />

acceptions en rupture avec le contexte…; même perplexité pour Hara dans un des derniers vers « E<br />

la vox responec : “Hara, ven far la guerra !” » : avec far à côté, ce ne peut être le futur farà, comme<br />

pour dire « Ça fera l’affaire »; et pourquoi ara déjà noté ainsi serait ici affublé d’un h- ?<br />

Tout cela pour dire combien ce poème sent l’artifice, le jeu convenu pour plaire à une Académie<br />

toulousaine, dans la graphie à la mode et en camouflant la gasconité de l’auteur. Il est remarquable<br />

en tout cas que ni le poème primé en 1911 ni celui-ci ne furent publiés dans les Reclams de<br />

Biarn e Gascougne, revue de l’Escole Gastou Febus dont Palay allait devenir le Capdau en 1923.<br />

Ce n’est que trente ans après sa mort que les occitanistes devenus maitres de l’Escole ont publié le<br />

poème de 1920 dans les Reclams; sans doute était-ce pour souligner le vers de Palay louant le lien<br />

entre « les cœurs béarnais et les cœurs toulousains dans les voies de l’Histoire » et commenter :<br />

« bien loin de toute petite dispute localiste ».<br />

Mais c’était oublier que dans les 45 années de sa vie après ce poème, Palay n’a usé que de la<br />

graphie de l’Escole, et spécialement dans son fameux Dictionnaire (cf. p. 136). Dans l’article des<br />

Reclams de 1958 déjà cité p. 39, il s’est même expressément élevé contre la graphie occitane :<br />

« …ceux qu’on dit occitans ou occitanistes […] ont cru qu’en inventant une graphie,

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