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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 209 Écriture du gascon<br />

vers Toulouse, pas du tout comme du gascon ou béarnais. Cette graphie est ressentie par le gasconophone<br />

comme une nouvelle dépossession de sa langue (cf. Marc Cazalets in Annexe VIII).<br />

R. Lapassade en était bien conscient :<br />

« […] Le facteur des P.T.T. lui, était fâché avec la nouvelle graphie : — Moi, elle<br />

m’estomaque ! Jamais je ne pourrai me la mettre dans la tête. » (1975-1, p. 120).<br />

« […] l’Église Catholique […] fait chanter des messes en <strong>Gascon</strong> et écrit les paroles<br />

dans la graphie normalisée. Mais les paroissiens ne veulent pas la lire et n’en comprennent<br />

pas tous les mots. » (1975-2).<br />

En 1980, un journal local d’Oloron, Le Progrès, se déclarait « tout disposé à faire une large<br />

place au béarnais […]. Encore faut-il que ceux qui sont capables d’écrire en bon béarnais (pas en<br />

charabia occitan normalisé) veuillent le faire et le fassent régulièrement » (cité par P.N.-P.G. 82, 1-<br />

2/1981, p. 2).<br />

Les auteurs bayonnais de Que parlam (1996) sont aussi conscients du problème, puisqu’ils<br />

précisent en couverture le contenu de l’ouvrage en désignant le gascon à la fois dans une graphie<br />

qui se veut classique — pour les erreurs, voir p. 215 — et en graphie moderne. Et comme ils distinguent<br />

mal — comme beaucoup hélas ! — la normalisation graphique de la normalisation linguistique,<br />

ils voient dans la possibilité de conserver la prononciation locale et des mots spécifiques « une<br />

des conditions, dans l’immédiat, pour qu’elle [la graphie classique] ait des chances d’être “admise”<br />

par les générations actuelles. » (p. 26).<br />

Même type de réaction populaire dans les Hautes Pyrénées, dont témoigne indirectement un<br />

professeur des écoles ayant d’importantes responsabilités de coordination de l’enseignement de<br />

l’“occitan” dans ce département. Il s’agit d’un amusant petit roman policier en gascon, du genre<br />

“San Antonio”, roman à clef qui tourne autour d’un sabotage occitaniste perpétré à Tarbes (Jean-<br />

Louis Lavit, Zocalfar, 1997) : non seulement l’ordinateur du commissariat central est atteint par un<br />

virus qui change tous les h en f (même sénher {monsieur} devient sénfer !), mais encore, par vaporisation<br />

d’un mystérieux produit en bombe, le saboteur fait que le président d’un festival local en<br />

langue gasconne ne parle plus gascon mais occitan. Et voici ce que lui disent ses amis du comité :<br />

« Tu t’entends parler ? Tu ne peux pas monter à la tribune dans ce état. Tu as l’air de<br />

parler en graphie normalisée ! Le public va s’étrangler ! Quelle émeute s’ils t’entendent<br />

parler ainsi…»<br />

Comme avec le mot « charabia » du journal d’Oloron, c’est là, croquée sur le vif, la réaction<br />

commune des locuteurs naturels, qui identifient graphie et langue… aidés peut-être en cela par la<br />

prononciation parfois bien étrange que certains occitanistes infligent à la langue du pays.<br />

V – La graphie classique, un rêve éveillé de lettrés<br />

Une graphie élitiste destinée d’abord aux universitaires ?<br />

« Conçue à partir de l’étude des documents anciens, des langues romanes les plus<br />

proches (le catalan en particulier) et de l’étymologie, [la graphie occitane] est utilisée dans<br />

la plupart des universités. Ses avantages sont nombreux : meilleure compréhension interdialectale,<br />

comparaison plus aisée avec les textes médiévaux ou les autres langues romanes,<br />

présentation plus cohérente de la morphologie. Elle s’est imposée en littérature comme<br />

dans l’enseignement et depuis peu dans l’affichage public. » (Joël Miró, agrégé d’espagnol<br />

et chargé de cours à l’Université Michel de Montaigne - Bordeaux III, 2001, p. XXXVII).<br />

Pour ce qui est des universités, je rappellerai d’abord l’aveu involontaire du scrupuleux

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