13.07.2013 Views

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Jean <strong>Lafitte</strong> 100 Écriture du gascon<br />

traits, on les rencontre bien au-delà des frontières de la vicomté de Béarn, et tout d’abord le<br />

redoublement des voyelles pour noter leur allongement compensatoire de l’amuïssement d’une<br />

consonne, que connaissent l’allemand (Meer, Staat), l’anglais (door, bee), le néerlandais (Oostende,<br />

Aalsmer)…; en domaine gascon, on retrouve les traits “béarnais” dans le comté de Foix, du fait de<br />

son union personnelle au Béarn par la maison de Foix-Béarn, mais aussi dans toute la Gascogne<br />

occidentale et jusqu’en Armagnac.<br />

En Médoc, nous avons des indices de l’usage de x pour /#/ dans le Glossari gascon ancian<br />

dau Medòc (Berthaud, 1975) : aixi (v° aital) {ainsi}, gexir {sortir}. J’ai relevé moi-même dans la<br />

commune d’Eysines un lieu-dit Boixalut, alias Bois-Salut, cité dans un jugement d’adjudication de<br />

1921; construit comme bavalut {baveux}, coralut {qui a du cœur}, cournalut {cornu} etc. il<br />

pourrait bien s’analyser en boix + alut, lieu où abonde le boix {buis}, et témoigne en tout cas d’un<br />

usage du x bien loin du Béarn. De même le toponyme Xentralha (fr. Xaintrailles), à 10 km au N-O<br />

de Nérac, avatar de Senta Eulàlia {Ste Eulalie}; ou encore Cutxan, à 10 km au N-O d’Eauze.<br />

Plus près du Béarn, les textes de Bayonne font de même : Auhx {Auch} (fin XII e s., Luchaire,<br />

1881, 77); et dans le Livre des Établissements, aixi {ainsi} (1336, 2 occ., p. 227; 1377, p. 211;<br />

1401, p. 228); baxets {vaisseaux, récipients} (XV e s. ?, p. 228); conexen {connaissent} (1437, p.<br />

234).<br />

La Coutume de Saint-Sever rédigée en 1380 présente quelques voyelles doubles : mees<br />

{mois}, Seuee {Sever}, foos {fors} (préambule); fee {foi} (§ 1), prees {pris, capturé} (§ 4); entroo<br />

{jusqu’à} (§ 19 etc.), diit {dit} et composés; compredoos {acheteurs} (§ 28), nuus {nus} (§ 41),<br />

prosmaa {prochain} (§§ 43, 54); graa {degré} (§ 55); bedoos {veuves} (§ 75); un seul x pour /#/ :<br />

medix {même} (§ 17).<br />

En Bigorre, les traits “béarnais” sont extrêmement fréquents; voyelles doubles : maa {main}<br />

(fin XII e s., Luchaire, 1881, 14; 1171, vidimus de 1251, ib., 21); paa {pain} (même vidimus, p. 23);<br />

descargaa {décharger} (1260, ib., 30); Ordisaa {Ordisan} (ib.); Morlaas (nombreuses occurrences,<br />

du fait du nom de la monnaie) etc.; de même fee {foi} (fin XII e s., ib., 15), Teesiis {peuple voisin<br />

de la Bigorre} (vidimus cité, p. 20), pees {poids} (ib., 24); dii, auandiit {dit, susdit}… très<br />

fréquents aussi; costoos {bastions} (vidimus cité, p. 21), boo {bon}, Cumdoo(r) {Condou}, soo<br />

{son}, turoo {monticule}, coofirmam {confirmons}, dooatiu {donation}… (1260, ib., 30); x valant<br />

/#/ : laxa {laisse} (Cartulaire de Bigorre, ib. 13), Prexac {Préchac} (fin XII e s., ib., 17), pex<br />

{paturages ?} (vidimus cité, p. 22), eixir, eixissen {sortir, sortent} (ib., 23, 24, 25); eiximenz<br />

{sorties} (1260, ib., 31) etc.<br />

Au centre même de l’Armagnac, que l’on pourrait croire beaucoup plus “toulousain”, on<br />

rencontre aussi des x : Dardeix (fin XI e s., ib., 99); laixa / laisa {laisse} (1224, ib., 103); Auxs<br />

{Auch} (1256, ib., 104 et en de multiples occurrences dans d’autres textes du même recueil).<br />

Sans préjuger de ce que pourrait apporter une étude systématique de la cohérence ou des<br />

distorsions dans les graphies de l’ancien gascon, de leur évolution dans le temps, et des influences<br />

extérieures dont elles peuvent témoigner, nous pouvons retenir de cet aperçu que ce que l’on a<br />

désigné parfois comme « scripta béarnaise » n’est pas du tout enfermé dans les limites de la<br />

vicomté et peut correspondre à des tendances communes à tout l’espace gascon. C’est semble-t-il le<br />

cas du e remplaçant un a atone.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!