Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 313<br />
Écriture du gascon<br />
p. 136), Palay avait résolu le problème en notant un point sous le e : util".<br />
Or ce signe diacritique, sans valeur orthographique, est devenu indispensable de nos jours; de<br />
telle façon que son oubli par Palay — ou le typographe — dans le mot « carce » a abouti à la<br />
graphie *carça {prison} dans le Civadot dont les auteurs ne devaient guère user de ce mot recherché<br />
(on dit [pre'z,]) ni encore moins pratiquer le latin ‘carcer’. Plus grave encore, le “futur du<br />
passé” noté traditionnellement en -re a été transcrit en -re alors que la prononciation réelle est en<br />
[a/o/e] et appelle -ra en graphie classique, comme J. Allières l’avait bien vu dans l’ALG V, 1616 :<br />
vengora et 1684; (cf. J. Allières, 1997 et P. Bec, 2002).<br />
Mais ce point inférieur de l’alphabet des linguistes ne se trouve pas dans les polices utilisées<br />
couramment par les traitements de texte. Je propose donc le ë, caractère sans autre affectation en<br />
gascon (voir p. 332) :<br />
– il n’est pas inconnu en français, bien que résiduel : seulement après o et valant [e] ou [!]<br />
selon sa position : [e] dans canoë, foëner et foëneur, [!] dans noël, foëne et l’omniprésent Citroën<br />
(alors qu’existent les variantes foéner, foéneur et foène et qu’un e simple fait l’affaire dans coefficient<br />
et coexister [e] comme dans coercition [!]…);<br />
– il n’est pas non plus totalement nouveau en béarnais, puisque selon Louis Lacaze (Les imprimeurs<br />
et les libraires en Béarn, Pau, 1884) cité par R. Darrigrand (in Fondeville, 2002, p. 7), la<br />
première édition de la Pastorale de Fondeville de 1763 était intitulée :<br />
La /Pastourale/ deu/ Paysaà/ qui cèrque méstièè à son hilh, chens/ ne trouba à son<br />
grat./ Pèsse divértissénte et connègude èn Béarn,/ ainsi quë d’autës oubratgës deü medich<br />
authou. En qoate actes/ Per moussoû Fondeville de Lescar./<br />
Bien sûr, il aurait fallu écrire aussi « qoatë actës », mais ce précédent est sans équivoque.<br />
En syllabe finale, le e pourra donc revêtir cinq formes, e, ë, é, è et ê :<br />
2, toujours posttoniques, e et ë :<br />
counten ['kuntœn] ou ['kunton] ils comptent indicatif<br />
countën ['kuntœn] ou ['kunten] qu’ils comptent subjonctif<br />
3, toujours toniques, è, é et ê :<br />
countèn [kun't!n] ils comptèrent<br />
countén [kun'ten] content adjectif<br />
serên [se're] ou [se'r;"] serein (humidité du soir, rosée) (cf. p. 325).<br />
Révision du suffixe -amén généralisé par Palay<br />
Comme rappelé p. 249, le gascon a deux sortes de mots en -mén, correspondant aux mots<br />
français en -ment, tous de formation “savante” : des adverbes de manière dérivés d’un adjectif au<br />
féminin et des substantifs; lorsque le radical de ces derniers est un verbe en -a-, on aboutit à des<br />
mots de même allure que les adverbes : gauyousamén, cambiamén {joyeusement, changement}<br />
(voir Annexe XX).<br />
À l’instar des suffixes -adoù et -adé dont le a se réalise en [e] ou [´/Ø], Palay s’en est tenu à la<br />
notation du « a étymologique ». Ici, pourtant, la mutation vocalique est d’une autre nature, car elle<br />
affecte un a posttonique dont la réalisation se répartit dans l’espace comme celle du -e des mots<br />
simples tels que hemne {femme} ou arrose {rose} et non comme celle du a de -adoù et -adé.<br />
Palay aurait donc dû noter ce son par le e de hemne et arrose, donc écrire gauyousemén et