Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 129 Écriture du gascon<br />
On voit tout de suite la falsification de l’histoire linguistique et la prétention à être les seuls<br />
vrais disciples de Mistral, appuyés sur la science, et parvenus à « fixer définitivement la graphie<br />
occitane. » Las ! Quatorze ans plus tard, la Gramatica occitana d’Alibert allait proposer une<br />
nouvelle graphie classique et montrer la fragilité des acquis “définitifs” en la matière.<br />
1922 : L’etzemple dos Catalans (I. Girard)<br />
L’année suivante, le même Lo Gai Saber devait publier un article du médecin Ismaël Girard<br />
(1898-1976) donnant en exemple la renaissance littéraire catalane. Sur le fond, rien à dire ici, mais<br />
ce qui est intéressant, c’est d’observer que l’auteur est un <strong>Gascon</strong> commingeois et qu’il écrit dans la<br />
graphie classique de Perbosc-Estieu, sans norme préétablie pour cela, pour autant que je sache. Cela<br />
lui laisse une certaine liberté.<br />
Selon le système Estieu-Perbosc et contrairement à l’usage actuel, /s/ intervocalique est noté<br />
par s : cusoada {vermoulue}, pasats {passés}; corrélativement, /z/ intervocalique est noté par z :<br />
amaroza {amère}, beze {voir} etc. La notation particulière par -th du produit de -ll latin en finale<br />
n’est pas encore prévue : on lit bet {beau}, aquet {ce}, comme chez Palay dans Sant Exupère (cf. p.<br />
126). Mais contrairement à Palay, Girard ne note le son /b/ ou /./ que par b, sans égard à<br />
l’étymologie ou à la tradition romane (trabès {travers}, bita {vie}, abei {aujourd’hui} etc. et tous<br />
les imparfaits comme anaba {allait}, premiaba {récompensait}, etc.); une seule exception non<br />
expliquée, vint {vingt}. Le o prononcé [%] (tròs) se distingue théoriquement par l’accent grave de<br />
celui qui se dit [u] (amaroza); mais il est parfois oublié : beroï {joli}, filologa {philologue}. Pour<br />
les finales en -ia, l’accentuation suit la convention castillane : popularia {populaire} (i sans accent)<br />
se lit par ['arjo] et armonìa {harmonie}, grafìa {graphie} (ì avec accent grave) se lisent par ['io];<br />
mais l’accent manque parfois : poezia aurait dû être poezìa.<br />
/2/ devant e, i est j ou g selon l’étymologie : maje {plus grand}, engèni {génie}.<br />
Le x étymologique est écarté au profit de consonnes marquant son rendu réel : ‘exemplum’ ><br />
etzemple (mais la prononciation réelle est [dz] car la dentale ne peut être que sonore devant [z], ce<br />
qui aurait demandé dz); ‘fixare’ > fitsar {fixer}.<br />
Comme autres solutions intéressantes, on peut observer quaucas {quelques} et acò {ce} notés<br />
par c au lieu de qu; frais {frères}, sans -r, comme pai {père} et mai {mère} à la p. 4 de<br />
L’application… de 1952 (voir p. 144 et Annexe XIII), contre frair, pair, mair aujourd’hui; la<br />
négation no est écrite correctement sans -n (cf. p. 297) et taben {aussi} sans le n intérieur, qui est<br />
muet partout (contre non, tanben aujourd’hui).<br />
Le son /wa/ est noté oa, suivant l’usage gascon multiséculaire : quoate {quatre}, quoan<br />
{quand}; istòri {histoire} est noté sans le -a final étymologique, mais muet sur une grande partie de<br />
domaine gascon; les articles contractés do, dos, pos, so {du, des, pour les, sur le} ont une graphie<br />
tout à fait normale contre l’usage actuel (cf. p. 245).<br />
En somme, une réflexion réaliste appliquée à une langue bien possédée.<br />
1923 : Le lengadoucian literari (L. Alibert)<br />
L’Escolo moundino ne voulait pas être en reste, et voilà que son secrétaire Louis Alibert<br />
publie en 1923 un petit livre d’une cinquantaine de pages, Le lengadoucian literari. Car avant de<br />
passer dans le camp “occitaniste”, Alibert avait été mistralien de stricte observance.