Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Chapitre IV
Pour une graphie “classique” vraiment gasconne
« L’écriture est la peinture de la
voix : plus elle est ressemblante,
meilleure elle est. »
Voltaire, Dictionnaire philosophique,
v° orthographe.
Même s’il est faux de dire que la graphie classique a été « adoptée par la grande majorité des
Occitans » (cf. p. 206), c’est un fait qu’elle est quasi exclusivement utilisée dans l’enseignement,
sans doute sous la pression d’une hiérarchie acquise aux idées occitanistes et qui semble ignorer la
liberté pédagogique accordée aux maitres par les textes officiels (cf. p. 196). Or une saine pédagogie
ne peut se contenter d’un outil aussi mal adapté que cette graphie telle qu’elle est pratiquée;
j’entends donc proposer quelques améliorations pour rendre cette graphie plus fidèle au gascon et
moins difficile à enseigner.
Une fois écartées toutes les causes extrinsèques au système, comme le fait que les textes qui le
définissent sont perdus de vue, il convient maintenant de déterminer les causes intrinsèques des difficultés
rencontrées, tant dans les principes généraux que dans les règles d’application, voire dans la
graphie habituelle de certains mots.
I – Comprendre et réviser les principes classiques
On a vu p. 143 que La réforme… de 1950 s’ouvrait par huit principes de graphie, A à H, que
L’application… de 1952 a déclarés applicables au gascon. Si La réforme… reprend sans grand
changement l’essentiel de la première partie de la Gramatica languedocienne d’Alibert de 1935,
celle-ci n’énonce, en substance, que le principe B, dans les Remarcas qui suivent l’alphabet : notation
étymologique des mots savants, sauf à procéder à quelques simplifications, et notation phonétique
des mots populaires, sauf « quelques concessions à la langue ancienne » (sans toutefois dire
lesquelles, ni par liste, ni par norme…). En revanche, les sept autres principes ont été rédigés spécialement
pour La réforme… Or Alibert ne devait pas être dans une parfaite santé de corps et
d’esprit à l’issue de son incarcération d’après la Libération, de telle sorte que la rédaction de ces
prinicpes n’est pas d’une extrême clarté ni cohérence et surtout, ils sont mal coordonnés entre eux.
Mais avant d’en aborder l’étude critique, il me parait important d’observer que ces principes
ne sont pas destinés à l’écrivain, gascon ou occitan, qui ne peut se satisfaire d’une langue « dans la
logique d’Alibert, dans la forme do it yourself. Le public, il lui faut du ready made. » Patric Sauzet
(1990, p. 35). Ainsi, quand le principe B oppose les mots de formation populaire aux mots savants,
il fait appel à une notion étrangère à l’utilisateur ordinaire de la langue, comme l’écrivit R. Teulat :
« la langue fonctionnant en synchronie, le locuteur moyen ne sait pas si un mot est
populaire ou savant. » (Q.L.O. n° 1, juin 1974, p. 35); et encore, « il ne sait pas faire la distinction
parce qu’elle n’est pas dans le fonctionnement [de la langue]; il y a deux verbes
[espia]; seule la convention orthographique (à fondement historique ici), distingue expiar
et espiar. » (1982, p. 52).
Sans compter les mots intermédiaires, de formation “semi-savante”, comme exemple cité par
Teulat, dont cette graphie ne peut valoir pour rendre le provençal [e"'z!mple].