Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 128 Écriture du gascon<br />
la même pour tous les dialectes, ils permettraient à tout un chacun de les lire tous<br />
facilement, et c’est le contraire qui se passe : il n’y a que quelques initiés qui s’en tirent, et<br />
encore le Provençal ne comprendra pas le gascon s’il ne le sait pas avant, et vice versa. De<br />
plus, si un <strong>Béarnais</strong> et un Auvergnat se parlent, en raison de la différences des sons, ils ne<br />
s’entendront pas.<br />
« Un jour, dans une ville où j’étais de passage, je me trompai de réunion. Un orateur<br />
était à la tribune et j’essayai de comprendre, mais en vain. Je demandai alors à un voisin où<br />
je me trouvais : “C’est un congrès pour l’espéranto” me répondit-il. “Ah ! et que dit le<br />
conférencier ? — Je ne le comprends pas : il parle avec l’accent allemand.”<br />
« Avec l’occitan, je pense que ce serait tout de même. C’est un mauvais pâté qui<br />
n’est trouvé bon par une minorité — et qui parle surtout en français, et en oc seulement<br />
dans quelques occasions.<br />
« Un autre résultat inattendu est celui-ci : la graphie occitane est tellement<br />
compliquée que les imprimeurs ont assimilé l’occitan à une langue étrangère comme<br />
l’anglais et l’allemand — cette comparaison est une honte — et lui appliquent le tarif<br />
syndical, quelque chose comme 20 ou 25 % en plus.<br />
« L’homme de bon sens reste sur le terrain de la simplicité et du facile à pratiquer.<br />
C’est ainsi que se fait le bon travail. »<br />
II – L’Escole moundino et l’Escòla occitana de Toulouse<br />
Il convient de dire ici quelques mots des écoles félibréennes de Toulouse, trop près du<br />
domaine gascon pour ne pas l’influencer quelque peu. L’Escolo moundino d’abord, créée en 1892<br />
et adepte d’une graphie de type mistralien comme le révèle son titre. Mais les félibres partisans de<br />
la graphie classique ne devaient pas s’y sentir à l’aise, puisqu’ils allaient fonder en 1919, chez le<br />
baron Désazars, en son manoir d’Avignonet-Lauragais, une nouvelle école félibréenne, l’Escòla<br />
occitana; et celle-ci lançait aussitôt sa revue, Lo Gai saber.<br />
Bien évidemment, Perbosc et Estieu étaient de la nouvelle Escòla, ainsi que le jeune abbé<br />
Salvat (1889-1973) et sa graphie était celle de Perbosc-Estieu.<br />
1921 : La chaîne est renouée (P. Estieu)<br />
Tel est le titre d’un article d’Estieu publié dès le n° 9 de Lo Gai Saber (Janv.-Feb. 1921), sous<br />
le pseudonyme de Jean d’Occitanie, pour montrer les mérites de la graphie de l’Escòla. D’emblée,<br />
il met sur le compte du « néfaste édit de Villers-Cotterêts » de 1539 la fragmentation de la langue<br />
d’oc « en un si grand nombre de sous-dialectes qu’il devint bientôt impossible de reconnaitre son<br />
unité primitive ». Et de faire un bref historique des efforts pour « renouer la chaîne occitane depuis<br />
si longtemps interrompue », jusqu’à l’arrivée de Mistral — on est Félibres déclarés — dont<br />
« l’éternelle gloire [sera], outre celle que lui a value son génie poétique, d’avoir établi scientifiquement,<br />
dans son Trésor du Félibrige, les règles qui devaient ramener peu à peu la langue d’oc à sa<br />
pureté ancestrale ». Mais « ce n’était là qu’une première étape » et « quelques-uns de ses meilleurs<br />
disciples, qu’il désignait ainsi lui-même, ont continué son œuvre philologique et ont pu fixer<br />
définitivement la graphie occitane. »<br />
Et plutôt que de faire un exposé savant de règles qui pourrait effrayer le lecteur, Estieu<br />
présente cinq textes anciens, du XII e au XIV e s., avec en vis-à-vis leur transcription en langue<br />
moderne notée selon la graphie de l’Escòla. Pour lui, ces citations devront suffire « à démontrer<br />
que les règles graphiques que nous avons adoptées pour la langue d’oc moderne constituent un<br />
système à la fois traditionnel et scientifique hors duquel il ne peut y avoir que pitoyable décadence<br />
et mortelle anarchie. »