Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 30 La langue gasconne<br />
Comme ce texte est antérieur à la publication du rapport de M. Cerquiglini, mais contemporain<br />
de sa rédaction hâtive (la lettre des ministres souhaitait obtenir ce rapport avant le 31 janvier !),<br />
il y a tout lieu de supposer qu’il a inspiré la conclusion du Rapporteur sur ce point, essentiel pour<br />
l’ensemble linguistique le plus important de France après le français.<br />
Quels étaient donc les « enjeux du moment » auxquels était censé répondre ce « choix politique<br />
et non scientifique » ? On ne peut faire que des conjectures sur ce point, ce dont ne s’est pas<br />
privé l’écrivain Pierre Pessemesse, dont l’engagement occitaniste ne peut se satisfaire de ce qui parait<br />
pourtant consacrer les thèses occitanistes. Il le fait dans un truculent billet en provençal intitulé<br />
« Document ou provocation ? » publié par Lo Lugarn, organe du Parti nationaliste occitan (n° 73,<br />
Automne 2000, p. 8). Il stigmatise cette liste à laquelle il reproche d’abord de ne pas avoir distingué<br />
les langues métropolitaines, souvent dotées d’une écriture et d’une littérature depuis des siècles, des<br />
langues d’outre-mer, exclusivement orale jusqu’il y a peu; probablement parce que l’« occitan » lui<br />
parait un peu seul en face de soixante-quatorze autres « langues de France », dont vingt-huit pour la<br />
seule nouvelle-Calédonie, et autant de créoles que de territoires; puis, ignorant sans doute le précédent<br />
du rapport Giordan de 1982, Pierre Pessemesse poursuit :<br />
« La grande erreur a été de faire des dialectes de la langue d’oïl des langues à part<br />
entière (berrichon, poitevin, picard, morvandiau, etc.) alors que la langue d’oc est mentionnée<br />
correctement “occitan qui comprend les dialectes suivants…”. Cela pose une petite<br />
énigme car l’auteur du texte aurait dû ignorer également l’occitan et ne mentionner que le<br />
provençal, le gascon, le rouergat, etc… Moi, je fais l’hypothèse que dans les bureaux moquettés<br />
de la haute administration le linguiste de pacotille qui nous a fait cette bévue était<br />
“collègue” [au sens provençal d’ami] d’un de ses pairs, occitaniste de conviction et de carrière,<br />
et que celui-ci est judicieusement intervenu. Mais quand même, cet homme de l’ombre<br />
aurait dû nous corriger l’erreur des langues de la famille d’oïl. [Erreur qui va pousser<br />
les partisans de la pluralité des langues d’oc à demander un égal traitement.] En outre, je<br />
constate que depuis des mois que ce document extravagant et foufou est paru, il n’y aura<br />
pas une seule voix occitane pour le contester et le critiquer. Et à ce propos, je ferai une<br />
seconde hypothèse encore plus terrible que la première. Ne serait-ce pas l’un des nôtres<br />
l’auteur de la nomenclature ? »<br />
Plus mesuré mais aussi net, le linguiste occitaniste Fritz Peter Kirsch trouve cette liste grosse<br />
de « conséquences désastreuses » (Vers une histoire interculturelle de la littérature occitane, Oc, n°<br />
70-71-72, Prima - Estiu 2004, p. 105). Et sans nommer la liste, en ignorant aussi, semble-t-il, le<br />
précédent du rapport Giordan, le Pr. Patrick Sauzet en condamne le fond : « …la langue d’oïl (mais<br />
curieusement pas le français, alors que les deux termes sont supposés synonymes) est pluralisée en<br />
langues multiples (picard, angevin, morvandiau…) et en écho la pluralisation de la langue d’oc tente<br />
ceux que la prise en compte globale de l’espace occitan déroute, dépasse ou effraie. » (Compte<br />
rendu d’un ouvrage valencien, Nouvelle revue d’onomastique n° 43-44, 2004, p. 281).<br />
Quoi qu’il en soit, il est certain que le peu de temps dont disposait M. Cerquiglini l’a contraint<br />
à limiter ses consultations à l’avis des seuls « savants », à savoir douze personnalités, dont les<br />
directeurs de recherches au C.N.R.S. Mme Marie-Rose Simoni pour les langues d’oïl et M. Jean-<br />
Philippe Dalbera pour l’« occitan », plus M. Jean Salles-Loustau, en tant qu’inspecteur général de<br />
l’éducation nationale, chargé des langues régionales, mais qui est connu pour son engagement<br />
public et déterminé en faveur de l’occitan. Dommage qu’il n’ait pas eu le temps de consulter ces<br />
autres « savants » que sont les sociolinguistes, qui s’intéressent notamment à la représentation des<br />
langues dans l’esprit de leurs locuteurs.<br />
Du moins le texte de Ch. de Lespinay m’a permis une fois encore de constater que le rejet de