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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 88 Sociolinguistique du gascon<br />

En effet, comment les locuteurs naturels auraient-ils transmis à leurs enfants cette langue<br />

honteuse et impropre à en assurer l’avenir ?<br />

Un monde politique qui pratiquement les ignore<br />

De tout cela, les hommes politiques sont bien conscients, eux dont les militants attendent des<br />

mesures miracles qui feraient revivre les langues d’oc. Bien loin du temps où les nobles du Béarn<br />

avaient obtenu de Jeanne d’Albret (1528-1572) que les textes officiels fussent rédigés en béarnais<br />

(cf. p. 37), les « puissants » de notre société moderne n’ont aucune revendication de l’espèce, et<br />

« le peuple » s’en désintéresse tout autant dans sa grande majorité.<br />

Nos hommes politiques savent bien que les électeurs n’ont pas envie de voir l’argent public<br />

passer à tout ce qu’il faudrait pour enseigner la langue d’autrefois 18 . Ils viendront serrer les mains<br />

aux fêtes des félibres et des occitanistes, ils chanteront sur la scène de Siros ou d’Ibos, ils feront des<br />

déclarations en patois, en béarnais, en oc ou en occitan, comme on voudra… mais ils n’iront guère<br />

plus loin s’ils veulent être réélus par des gens qui savent ce que leur coûtent les impôts.<br />

À cet égard, le président du département des Pyrénées-Atlantiques Jean-Jacques Lasserre a eu<br />

récemment l’occasion de s’exprimer avec une rare franchise. Pour la constitution du dossier Langue<br />

occitane de Lettres d’Aquitaine déjà étudié pp. 46-47, il a été interrogé sur la politique linguistique<br />

du département et, des cinq présidents départements de la région, il a été le seul à répondre<br />

personnellement, p. 6. Or il a fixé ainsi les conditions qui doivent toutes être réunies pour que la<br />

« langue occitane » reste une langue vivante :<br />

« – à la “base”, une volonté réellement marquée d’une partie au moins très<br />

significative des populations concernées de passer d’un intérêt “passif” pour sa langue<br />

régionale (par exemple “l’opinion très positive” exprimée lors des fréquents sondages<br />

d’opinion sur le sujet) à un intérêt “actif” (par exemple, l’inscription de ses enfants en<br />

filière bilingue lorsque la possibilité en est offerte) assortie d’un soutien concret, rapide et<br />

pérenne des collectivités de proximité (communes, intercommunalités…) lorsque cette<br />

volonté se manifeste; »<br />

S’y ajoutent au « sommet » des actions du département, de la région et de l’État « allant bien<br />

au-delà de quelques cofinancements ponctuels » et dans « l’entre-deux », un réseau culturel et<br />

associatif fort à base de militants.<br />

Mais ce qui me parait essentiel, c’est la demande de « la base » qu’il a nommée en premier,<br />

ce que j’appellerais une demande « solvable » comme on dit en économie, c’est-à-dire prête à payer<br />

elle-même le prix par un engagement personnel. Or cette disposition des individus me semble très<br />

rare, et on est loin de la constater chez « une partie au moins très significative des populations<br />

concernées ». Cela veut dire que l’on n’est pas près d’avoir des actions massives de ce département,<br />

qui ne sont actuellement réclamées que par une poignée de militants, même s’ils font du bruit dans<br />

les médias…<br />

De fait, les élections régionales et cantonales de mars 2004 me paraissent avoir confirmé le<br />

désintérêt de la population pour les « langues régionales » : au moins dans les pays d’oc, elles ont<br />

semble-t-il été totalement absentes du débat public.<br />

Concrètement, en Béarn, les candidats ont tous été contactés par les associations occitanistes<br />

18 Quelques subventions 1996 du Conseil régional d’Aquitaine aux associations des Pyrénées-Atlantiques (Éclair-<br />

Pyrénées du 26 juin 1996) : Fédération des Calandretas, 165 000 F; Image-Imatge (cinéma occitan), 52 000 F;<br />

Carnaval-Pantalonada de Pau, 30 000 F; Fédération départementale des chasseurs, 325 250 F; sans commentaire.

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