Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Chapitre I er<br />
La représentation de la langue chez les <strong>Gascon</strong>s et <strong>Béarnais</strong><br />
I – Aux temps passés<br />
« Edmond de Kent se dispensa d’interroger les barons de Budos et de Fargues de<br />
Mauvezin; ceux-là ne parlaient ni le français ni l’anglais, mais seulement le gascon, et<br />
Kent ne comprenait rien à leurs palabres. » (Maurice Druon, Les rois maudits - 5, La louve<br />
de France, p. 131).<br />
Selon l’académicien et romancier Maurice Druon, la langue des <strong>Gascon</strong>s était donc désignée<br />
comme gascon à la fin d’août 1324, quand les Français vinrent mettre le siège devant La Réole. Et<br />
ce n’est pas un anachronisme, car c’est bien sous ce nom qu’elle est écartée par les fameuses Leys<br />
d’amor, solennellement promulguées à Toulouse en 1356, alors que ces Leys n’ont pas de nom propre<br />
pour la langue de Toulouse : « Et appelam lengatge estranh : frances, engles, espanhol, gasco,<br />
lombart, navares, aragones e granre d’autres. » (Ed. Joseph Anglade, 1920, t. III, p. 164) {Et nous<br />
appelons langue étrangère : (…) et beaucoup d’autres}. En 1431, la confirmation des privilèges de<br />
Montory, en Soule, faite en latin par le duc de Lancastre en 1383, est traduite « en romans et bon<br />
gascon » (J. Dumonteil et B. Cheronnet, 1980, p. 168). En 1554, le <strong>Béarnais</strong> Bernard Du Poey<br />
publie à Toulouse un recueil de Poésie en diverses langues sur la naissance de Henry de Bourbon<br />
etc. (le futur Henri IV), parmi lesquelles trois en béarnais, un « Sonnet en gascon » et un « Dixain<br />
al langaige de Tolosa », toujours dépourvu de nom propre (textes annexés à Ph. Gardy, 1983). En<br />
1562, dans une affaire de succession intéressant la Maison de Foix, un arrêt du Parlement de Paris<br />
du 22 mai mentionne des « pièces vieilles et antiennes estans en langaige 3 byernois et gascon » qui<br />
ont été traduites en « langaige vulgaire françois » (Archives Nationales. Parlement de Paris X 1a<br />
1602, f° 285 v°, copie de M. Henri Courteault publiée par les Reclams de Biarn e Gascougne, 1 er<br />
juin 1910, pp. 118-119).<br />
C’est donc le plus naturellement du monde que, cinq ans après, Pey de Garros appelait sa langue<br />
« gascon », avec une vue particulièrement claire de son domaine : « nostre lãgage par vn mot<br />
general est appelé <strong>Gascon</strong> […] le langage specialement apelé <strong>Gascon</strong>, naturel a nous de Bearn, de<br />
Comenge, de Armagnac & autres, qui somes enclos entre les mons Pyrenees & la Garone »<br />
(Poesias gasconas, Au Lecteur, pp. 6, 7). Et cette langue méprisée par les Toulousains probablement<br />
autant que par ceux qui accédaient au français du Roi, Garros entendait bien la défendre et<br />
l’orner grâce à l’arme de sa plume (ib., Épitre III, 5-39, passim, traduction d’A. Berry, sauf le<br />
dernier vers) :<br />
5 La causa damnada La cause condamnée<br />
De nosta lenga mesprezada : de notre langue méprisée :<br />
Damnada la podétz entene, condamnée, cela se peut entendre,<br />
Si degun no la vo dehene : si personne ne veut prendre sa défense.<br />
Cadun la leixa e desempara, Chacun la laisse et l’abandonne;<br />
10 Tot lo mond’ l’apera barbara, tout le monde l’appelle barbare,<br />
E, q’es causa mes plañedera et, chose plus déplorable,<br />
Nosautz medix nos trupham d’era nous-mêmes nous moquons d’elle.<br />
[…] […]<br />
23 Mes de ma part, jo bz asseguri, Mais pour ma part je vous assure<br />
E religiosament vos juri, et vous jure religieusement<br />
25 Que jo scriuré dam vehementia, que j’écrirai avec véhémence;<br />
3 On remarque qu’à l’époque, en oc comme en français, langaige signifie « langue, idiome », comme language en<br />
anglais.