Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 68 Sociolinguistique du gascon<br />
dans la cour de récréation de leur “Calandreta”… » (Henri Boyer, Professeur à l’université<br />
de Montpellier III, 2003).<br />
Moi-même, en 14 ans d’enseignement du gascon à Paris, je n’ai jamais vu arriver un ancien<br />
de Calandreta qui aurait voulu continuer à apprendre et parler gascon dans l’“exil” de la capitale.<br />
Mais la clé de cet échec, c’est en quelque sorte le militant Gilbert Narioo qui nous la donne<br />
dans un éditorial de Per noste-Païs gascons (n° 97, 7-8/1983, p. 1); il suffit de remplacer « anglais »<br />
par « gascon » ou « occitan » :<br />
« Il faut que les parents sachent que l’enseignement de l’anglais dans les écoles<br />
maternelles de chez nous est une grande sottise […]. Car […] l’anglais ne sera pas entendu<br />
par les enfants ni chez eux, ni dans la vie courante, donc oublié dès la sortie de l’école. »<br />
Au demeurant, J. Salles-Loustau (1995) insistait surtout sur les avantages pédagogiques de<br />
l’enseignement bilingue :<br />
« Les enfants qui ont suivi un enseignement bilingue régional sont meilleurs, en<br />
mathématiques, en français, — car c’est aussi la seule façon de sauver le français, car si on<br />
met l’anglais à la place de l’occitan, le français est perdu —, mais cela leur facilite<br />
également l’apprentissage futur d’autres langues. »<br />
Mais l’enseignement de l’espagnol aboutirait aux mêmes résultats tout en ouvrant sur une<br />
langue qui compte quelque 450 millions de locuteurs dans le monde.<br />
Une fausse panacée ?<br />
Avec ce titre, je reprends un sous-titre de l’article sur l’Irlande que je citais p. 66. Ce qui vient<br />
d’être dit peut expliquer en effet que, finalement, le maintien de la langue “régionale” n’est pas le<br />
souci premier des promoteurs de tous ces enseignements particuliers; au demeurant, c’est sans<br />
doute un objectif hors de portée du fait du petit nombre d’élèves formés et du bas niveau des<br />
connaissances dispensées.<br />
D’abord, à supposer que les élèves passés par les cours de langues d’oc fussent des locuteurs<br />
effectifs, ils seraient bien trop peu nombreux :<br />
« L’école, seule, ne réalisera pas une renaissance des langues de France. Il faudrait<br />
que des milliers d’enfants les étudient comme ils étudient le français. Et encore faudrait-il<br />
que ces enfants retrouvent, de façon constante et soutenue, leur langue à la maison, à la<br />
télévision et dans les médias en général; ils auraient ainsi l’occasion de l’entendre, de la<br />
réentendre, de l’écouter, de la pratiquer régulièrement, mais ce n’est pas le cas, car cet<br />
espace reste à créer.<br />
« Il faut, nous l’avons vu, non seulement une volonté politique, mais aussi que cette<br />
dernière soit affermie par un choix et un engagement des familles. Beaucoup d’entre elles<br />
ne comprennent pas qu’après deux siècles au cours desquels on leur a expliqué que leur<br />
langue et leur culture étaient de peu de valeur (beaucoup en sont encore persuadées), on<br />
vienne leur dire aujourd’hui le contraire. » (Jean Bonnemason, 1993, p. 45.)<br />
« Il y a bien les Calandretas, des cours dans l’enseignement public, mais c’est très<br />
marginal… Des milliers de locuteurs naturels meurent chaque année, que ne remplacent<br />
pas les quelques jeunes passés par l’enseignement. Des personnes qui naissent aujourd’hui,<br />
combien sauront la langue ? » (Patrick Sauzet, intervention déjà citée au Cercle de minuit<br />
de la nuit du 3 au 4 avril 1996).<br />
Même en Barétous (cf. B. Moreux, p. 59 ci-dessus), la pratique courante de la langue n’existe<br />
plus dans les foyers des jeunes élèves apprenant le béarnais :<br />
« Chez eux, les enfants n’entendent plus parler la langue régionale, sauf peut-être un ou<br />
deux qui échangent quelques mots avec leurs grands-parents. » (Félix Laxague, instituteur