Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 116 Écriture du gascon<br />
-o; ainsi, in Berry 1961, Auger Gaillard, Bellaud de la Bellaudière, Le Sage, Goudelin, Cortète de<br />
Prade, Saboly. Si modèle français il y avait, y auraient-ils été moins sensibles, alors que tous leurs<br />
autres graphèmes s’y apparentaient tout autant qu’en Gascogne ? En revanche, les <strong>Gascon</strong>s ne<br />
pouvaient ignorer l’usage parfois quasi exclusif du -e dans la scripta gasconne, “solution gasconne”<br />
très ancienne, pas du tout limitée à la vicomté de Béarn, et qui pourrait bien s’expliquer par une<br />
phase intermédiaire de prononciation en [œ], à laquelle se serait arrêté l’ouest gascon (cf. p. 102). À<br />
ce précédent, nos auteurs ont pu aussi ajouter l’intérêt d’une notation “à la française” que leurs<br />
contemporains français liraient en laissant l’accent d’intensité à sa place et ne prendraient pas pour<br />
de l’espagnol ou de l’italien.<br />
Les auteurs du XVIII e et XIX e s. continueront ces usages mêlés : Jean-Henri de Fondeville<br />
(1633-1705), Dominique Dugay (1643-??), Cyprien Despourrins (1698-1749), Catéchisme a<br />
l’usadge deu diocèse d’Aulourou (1706-1743), Théophile de Bordeu (1722-1776), les Fables<br />
causides de La Fontaine en bers gascouns (Bayonne, 1776), Pierre Hourcastrémé (1742-1831 22 ),<br />
Sylvain Lamolère (1773-1863), Mèste Verdié (1779-1829) et Xavier Navarrot (1799-1862).<br />
Ainsi retrouve-t-on le x pour /#/ dans le Catechisme d’Aulourou et le -e dans les Fables de<br />
Bayonne; celles-ci usent de graphèmes français, mais sans surcharge, autorisant une lecture facile et<br />
fidèle plus de 200 ans après. De même chez Hourcastrémé, Mèste Verdié. En outre, on peut<br />
observer que Hourcastrémé rend le son /we/ ou /w!/ par oi, dont c’était alors la prononciation<br />
française : soin, loin, joigné, témoignatge, éspoir, encoire…<br />
Ce n’est qu’avec le grand mouvement de renaissance littéraire du XIX e siècle qu’on va enfin<br />
se préoccuper de mettre de l’ordre dans l’écriture des langues d’oc, avec la création du Félibrige par<br />
Frédéric Mistral et ses amis en 1854. Mais en Gascogne et en Béarn, deux auteurs au moins s’en<br />
étaient déjà préoccupés, l’abbé Pédegert et Vastin Lespy.<br />
7 – L’abbé Félix Pédegert (1809-1889)<br />
Ce prêtre landais né non loin de Dax, à Pontonx-sur-Adour, nous a laissé un recueil posthume<br />
de poèmes publié par un confrère en 1892, Lous bers gascouns. L’éditeur a inclus dans la préface<br />
un manuscrit de jeunesse où l’auteur exposait ses vues générales sur la graphie et proposait un<br />
Alphabet gascon. Cet abbé fut un « très brillant professeur au Petit Séminaire [parisien] de Saint-<br />
Nicolas-du-Chardonnet », latiniste, helléniste et hébraïsant; bien que ses vues n’aient été publiées<br />
que trop tard, leur pertinence leur donne une place dans un historique des graphies du gascon.<br />
Ses idées générales, qu’il écrivit en 1830 à l’âge de 21 ans — mais Champollion n’avait que<br />
32 ans en 1822 quand il eut déchiffré la pierre de Rosette —, sont d’un grand bon sens et ne<br />
manquent pas d’humour. Ainsi, le “savant” épris d’étymologie « se croira obligé, en conscience, de<br />
l’habiller [sa langue] à l’antique et de lui rendre ses premières livrées, quoique souvent ce gothique<br />
accoutrement ne lui aille pas à merveille : c’est ainsi que Don Quichotte aimait à revêtir du harnais<br />
de Bayard son pauvre Rossinante, qui descendait en ligne directe de ce fameux coursier des quatre<br />
fils d’Aimon ». Aussi, je ne résiste pas à l’envie d’en donner le texte en Annexe XII.<br />
Par contre, les propositions concrètes d’alphabet restèrent purement théoriques et d’autant<br />
plus imparfaites que, n’ayant guère vécu au pays, l’abbé ne put approfondir sa connaissance de la<br />
22 Contrairement à ce qu’on écrivait naguère, Hourcastrémé n’est pas mort en 1815, mais en 1831, comme a pu<br />
l’établir, acte de décès en mains, Marc Cazalets, du Cercle historique des amis des remparts (C.H.A.R.) de Navarrenx<br />
d’où Hourcastrémé était originaire.