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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 53 Sociolinguistique du gascon<br />

doute le témoignage d’autrui, un lecteur de Per noste qui avait été choqué par un dessin de<br />

couverture de la revue qui caricaturait méchamment des “Parisiens” venus en Béarn :<br />

« Faut tout de même pas prendre les touristes pour des idiots ! J’ai habité par force<br />

Paris pendant cinq ans et jamais je n’ai entendu une phrase aussi désobligeante [que celle<br />

prêtée aux touristes par le dessinateur] à mon égard et Dieu sait si mon accent paraissait<br />

marqué ! Depuis huit mois je côtoie journellement plusieurs personnes du style que vous<br />

paraphrasez et là aussi, jamais une quelconque allusion à mon appartenance gasconne. »<br />

« Nous n’avons pas le droit de sous-estimer les autres et nous n’avons pas la primeur<br />

de la vérité. Ce n’est pas avec de tels propos que vous ferez gagner cette fameuse<br />

“conscience occitane”, bien au contraire ! Élevez les débats. Ne vous trompez pas<br />

d’adversaire. » (Roland Estrem, Per noste n° 56, 9-10/1976, p. 2)<br />

D’autre part, en sens inverse, l’incompréhension à l’égard de ceux qui ne sont pas des<br />

“Occitans” monolithiques existe aussi en pays d’Oc. En voici deux exemples :<br />

À la suite d’un « Stage occitan » organisé à Orthez en mars 1975, « Un groupe de Stagiaires<br />

<strong>Béarnais</strong> » réagissait à l’attitude de certains occitanistes, peu soucieux de traiter les autres comme<br />

ils auraient voulu être traités eux-mêmes (P.N. 12, 5-6/1975, p. 3) :<br />

« Dans l’atmosphère générale de ces quelques journées, nous avons constaté un<br />

racisme latent à l’égard des Français, à savoir : les réactions des Stagiaires à certaines<br />

répliques et allusions (dans les pièces de théâtre, saynettes, histoires). C’est hélas,<br />

l’impression que nous ont laissée certains applaudissements ! Nous tenons aussi a signaler<br />

un incident survenu un soir au café : des jeunes extérieurs au stage, Orthéziens peut-être,<br />

ont chanté avec nous, puis seuls en Français, Basque ou Espagnol et cela sous le regard<br />

désapprobateur de certains stagiaires fiers de leur vérité occitane. Autre élément choquant :<br />

à l’entrée du Lycée était affiché une ironique, mais non moins dangereuse pancarte :<br />

“Estatgi occitan, aciu se parla Occitan, tà los que parlan Francés, un tiquet de vergonha !”<br />

{Stage occitan, ici, on parle Occitan; pour ceux qui parlent Français, un ticket de honte !}.<br />

Faut-il systématiquement un bouc émissaire, en l’occurrence le Français, pour se dire<br />

Occitan ! ?<br />

Autre exemple, que j’ai vécu. Le 26 septembre 1997 se célébrait au Zénith de Pau une “grand<br />

messe” autour d’un projet « Béarn XXI e siècle ». Sur la scène, l’ancien ministre socialiste André<br />

Labarrère, maire de Pau, et François Bayrou, ministre en exercice. Ambiance conviviale, « Mon<br />

cher François » par ci, « Mon cher André » par là. Et voilà que les pistes d’actions pour le XXI e s.<br />

semblaient avoir oublié celles en faveur de l’“occitan”. D’où une certaine impatience de la part de<br />

quelques militants, un peu perdus dans une foule très nombreuses; et l’un d’eux, <strong>Béarnais</strong> sincère<br />

mais peut-être trop “endoctriné”, demande la parole et une fois muni du micro, interpelle en béarnais<br />

les deux hommes politiques. Bien sûr, l’un et l’autre comprennent parfaitement, mais pas la<br />

foule, qui soudain se met à crier au militant « En français ! en français ! »; et malheureusement, au<br />

lieu de s’en tirer par quelque trait d’esprit bien béarnais qui détend l’atmosphère, le militant persiste.<br />

Inutile de dire que ce jour-là, la cause de la langue du pays n’a pas gagné beaucoup de soutiens.<br />

De même, il existe à Pau, fournie par la ville depuis 1980, une villa mise à la disposition<br />

d’une association d’obédience occitaniste, l’Ostau biarnés, la “maison béarnaise”. Toutes les<br />

inscriptions murales y sont en béarnais écrit en graphie classique, de telle sorte que les nonbéarnophones<br />

s’y sentent étrangers, et même les béarnophones non initiés à la graphie classique;<br />

j’en ai eu plusieurs fois des échos, et cela aussi ne plaide pas en faveur de cette langue, alors que les<br />

mêmes occitanistes revendiquent une signalisation routière et urbaine bilingue !<br />

Car, s’il n’y a probablement plus un seul “autochtone” qui ne sache lire et comprendre la signalétique<br />

en français, c’est au contraire la majorité, surtout dans les villes, qui, malheureusement,<br />

ne comprend plus la langue gasconne et béarnaise. C’est ce que nous allons voir maintenant.

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