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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 299 Écriture du gascon<br />

Une première évidence découle des exemples : « devant une voyelle » ou « devant une<br />

consonne » ne se vérifie que devant adjectif ou adverbe (ou locution adverbiale). Mais le doute<br />

m’était venu d’un [t:n] devant consonne dans une phrase cueillie à Luxey en Grande Lande par<br />

l’enquêteur de l’ALG et rapportée dans la carte VI, 2408 “autant que” : « n œs pas t:n bœrò"<br />

k-mœ » {ce n’est pas aussi joli que}; et énonçant la règle qui réserve tâ [sic] devant consonne, Palay<br />

concédait : « Cette particularité s’observe moins dans le Gers et les Landes que dans le Béarn et<br />

la Bigorre. » (v° tâ, tan). J’avais aussi lu des [tan] devant consonne dans la première édition (1895)<br />

de Et piu piu dera me laguta de Camélat, écrite en parler d’Azun (Bigorre). Une étude de 16 pages<br />

(<strong>Lafitte</strong>, 2002-2) m’a permis d’y voir plus clair.<br />

La clé de la compréhension du régime de cet adverbe m’a paru dans l’usage latin qui oppose<br />

généralement tam, adverbe affectant un adjectif ou un autre adverbe, à tantum, adverbe qui affecte<br />

directement le verbe. De fait, la consultation de Bouzet et Lalanne (1937), V. Väänänen (1981), P.<br />

Bec (1970) et Coromines (1990) m’a amené à conclure que notre [ta] ou [tan] d’une part, et [tan]<br />

d’autre part étaient respectivement les continuateurs de tam et tantum, jusque dans leurs emplois.<br />

Quant à la forme prise en languedocien par le continuateur de tam, les grammairiens mentionnent<br />

tous des prononciations en [ta] et [tan], ce dernières même devant consonne (Alibert, Bec,<br />

Chatbert, 1983).<br />

J’ai poursuivi mon enquête dans quelques textes anciens, en me limitant toutefois aux emplois<br />

de type tam, car ceux de type tantum ne posent aucun problème de prononciation : [tan] partout<br />

(sauf altération du timbre de la voyelle dans certains parlers). Et de fait, pour les emplois de type<br />

tam, on trouve [tan] même devant consonne. Même chose chez des auteurs languedociens modernes,<br />

et aussi dans les quelques textes d’autres régions d’oc que j’ai pu consulter.<br />

Pour le gascon, j’ai consulté grammaires et dictionnaires, les textes anciens assez nombreux<br />

dont je dispose, puis des auteurs contemporains, car 50 ans après les enquêtes de l’ALG, qui ne traitent<br />

pas le sujet, je ne pouvais envisager une enquête de terrain.<br />

Le résultat, c’est que [ta] existe même devant voyelle (peu d’occurrences toutefois) et [tan]<br />

même devant consonne, mais aussi que la “règle” énoncée par M. Grosclaude fonctionne, plutôt<br />

chez les auteurs situés sur une sorte de diadème en périphérie du domaine : Bas-Adour, Grande<br />

Lande, Médoc, Bordeaux, Langon, Nérac, Lomagne, Couserans, Comminges et Val d’Aran. Avec<br />

des exceptions et du polymorphisme. Cela se vérifie même chez les auteurs d’obédience occitaniste,<br />

comme R. Lapassade, P. Bec, G. Narioo, le groupe de chanteurs Los de Nadau (prononciation du<br />

disque).<br />

Et sauf accident, tous les auteurs écrivent les composés tabé, tapoc, (au)talèu, (au)ta plan, le<br />

[ta] initial étant intégré au mot composé.<br />

À ces emplois doivent correspondre des graphies adaptées. Pour [tan] en emploi de tantum,<br />

pas de problème : tant. Mais dans les emplois de tam, [ta] et [tan] sont des proclitiques, qui font<br />

corps avec l’adjectif ou l’adverbe affecté; normalement, tam aurait dû aboutir à [ta] comme jam à<br />

[ja] (Väänänen); mais comme pour ‘cum’ > con en espagnol, il y a eu « conservation de la nasale<br />

finale sous la forme d’un -n. » (Bec); avec néanmoins des [ta] sans aucune nasalisation, comme en<br />

témoigne Bernat de Luntz quand il écrit ta, même devant voyelle, et non taa comme maa < ‘manu’.<br />

Dès lors, on ne peut lire tan [t:] ni tant [tan] comme le voudrait la “règle” de M. Grosclaude,

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