Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 152 Écriture du gascon<br />
basculer} (1230), contrespós {garçon d’honneur (contre-époux)} (1319); ce dernier mot est un<br />
exemple d’adaptation graphique du premier élément, qui a perdu son -a final par élision; enfin, la<br />
soudure de pracò {pourtant} (1344) fait du mot un tout, sans égard au sens premiers de ses composants<br />
(mais pr’aquò chez Alibert). Et naturellement, Séguy coupe devant r- ou s- du second<br />
élément, encore qu’Alibert ne l’ait prévu que si le premier s’achève par une voyelle : pèd-ranquet<br />
{marelle} (1276) et même cul sec {avare} (1260), sans trait d’union.<br />
Mais il y a des exceptions, dont je ne vois d’autre explication que l’inadvertance; exceptions à<br />
la coupure : hòrapèt {dosses (hors peau)} (1136), covanic {culot (couve nid)} (1154), estornapica<br />
{culbute} à côté de vira-porquèir et cuu-pelèir dans la même carte (1278) et contranòbi<br />
{demoiselle d’honneur (contre-mariée)} (1319+); et exception à la soudure, cuu-pelèir {culbute}<br />
(1278), encore que le double u du premier élément ait peut-être paru exiger la coupure.<br />
Révision de choix à base étymologique<br />
Sans toucher aux règles du système, J. Séguy et ses disciples ont fait quelques choix<br />
personnels originaux qui supposent des étymons différents de ceux généralement admis.<br />
• choix entre v et b : estaubiar {économiser} (1336) contre estauviar chez Alibert et ses<br />
disciples; Alibert lui attribue l’étymon basque estalpe, qui implique une idée de couverture, de<br />
chose mise à l’abri, mais influencé sans doute par le catalan estalvi, il l’écrit estauvi, alors que le p<br />
étymologique ne donne jamais /v/ en langues d’oc; au demeurant, on voit mal comment un mot en -<br />
v- pourrait avoir une variante en [p] comme l’estaupi relevé entre Nay et Arrens. Quant à l’origine<br />
basque, « la grande diffusion du mot dans les patois de la France […] donne à penser » à Rohlfs<br />
(1977, n° 97). Finalement, faute d’une étymologie pouvant justifier -v-, c’est Séguy qui a vu juste,<br />
tout comme d’ailleurs Coromines (1990; ci-après, p. 169).<br />
• choix entre c/ç et ss pour /s/ :<br />
– mençonja {copeau de menuisier} (1132); il s’agit ici d’une acception métaphorique d’un<br />
mot qui signifie d’abord “mensonge”, comme en témoignent les mentidas ou mentiras recueillis en<br />
divers points de la même carte; comme le français “mensonge”, ce mot vient d’un latin “vulgaire”<br />
mentionica, ce qui justifie que Séguy le note par ç contre mensonja chez Alibert.<br />
– jas {délivre (d’une bête qui a mis bas)} (1152) est contredit par jaç {gite} (1416), mais<br />
l’étymon non contestable ‘jaceo’ doit faire considérer jas comme une inadvertance, peut-être due à<br />
la graphie jas de Palay.<br />
– siarrèr {couverture des vaches} (1165) contre ciarrè chez Coromines, qui le rattache à<br />
cendre < ‘cinerem’, sans exclure le “mélange” « avec un synonyme d’une autre origine »; dans le<br />
doute, autant suivre Séguy, d’autant que le mot n’est plus de grand usage…<br />
– hiçon {dard} (1222) contre fisson d’Alibert (v° fissar); viendrait de ‘fictiare’ selon Coromines<br />
(1990, v° quissón, 2) qui cite le catalan dialectal fiçar. C’est confirmé par la prononciation<br />
[ahi'4u] notée à Bethmale (point 790 S) où se « maintient la non-neutralisation des phonèmes ç et<br />
ss » (Coromines, v° besson) et où l’on réalise les ç par [4], noté ' dans l’ALG.<br />
– còça {louche} (1300) contre còssa d’Alibert; mais celui-ci traite à l’article caça les dérivés<br />
cacet, caceta, caçòla. Or ce mot est très probablement une variante de caça ou caixa, tous venant<br />
d’un ciattia issu lui-même « du grec kuathos, “coupe, vase pour puiser” » (Rey, 1992) et signifiant<br />
aussi bien “louche” que “casserole”. C’est donc sans doute Séguy qui a raison.