Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 257 Écriture du gascon<br />
roumadje. » (Reclams de Biarn e Gascougne, Avril 1900, p. 54).<br />
Palay lui-même, au préambule de la lettre Y, revenait un peu en arrière pour le [j] en début de<br />
syllabe :<br />
« […] toutefois, nous conservons y dans les mots particuliers aux dialectes où j n’est<br />
pas employé; ce sont ces mots que l’on trouvera ci-dessous […]. »<br />
Cela supposait une grande connaissance de ce qui était propre ou non aux divers parlers gascons,<br />
et ses lacunes sont peut-être la cause des erreurs que Camélat lui reprochait. De fait, il était<br />
assez flottant dans sa pratique : pour beroy {joli}, il donne les deux féminins, beroye et beroje; mais<br />
pour pouloy {dindon}, le seul féminin pouloye, alors que pouloje est largement attesté (ALG II,<br />
438); il fait l’entrée principale à goujat {jeune homme}, et gouyat n’a droit qu’à une entrée de renvoi,<br />
alors qu’on a vu qu’il est de loin le plus répandu, même en zone [2].<br />
D’où les reproches persistants de Camélat :<br />
« S’il faut parler de graphie, à mon avis, il faut s’en tenir à celle de Mistral en y ajoutant<br />
l’y grec car en gascon […]. » (Lettre à A. Pic, 13 novembre 1943, ib. p. 46).<br />
Palay « s’était mis à la tête de nous faire abandonner le y et de le remplacer par j (beroje,<br />
joène…), bien qu’à Pau ils disent y. C’est Laborde [Chanoine Jean-Baptiste L., érudit<br />
qui fit beaucoup pour la langue béarnaise], qui là, fut de mon avis et lui dit qu’il fallait s’en<br />
tenir à l’y. » (Lettre à A. Pic, 30 novembre 1948, ib. p. 72).<br />
Avec j pour /j/ et /%/, la “réforme occitane” continue Palay<br />
C’est un fait en tout cas que la « réforme orthographique occitane », qui avait supprimé sans<br />
difficulté le y en languedocien, allait faire de même en gascon, avec le précédent de Palay pour garant.<br />
Pourtant on devine un certain embarras chez Alibert, rédacteur de L’application… :<br />
D’une part, en tête, on recommande « pour l’usage littéraire, les formes les plus conformes à<br />
l’évolution normale de la langue et les mieux conservées »; donc au titre de la normalisation linguistique<br />
et non de la graphie proprement dite; et parmi ces formes :<br />
« G ou J au lieu de y : gelar, jòc et non yelar, yòc. […]<br />
« I au lieu de j : beròia et non beròja. »<br />
On voit la contradiction : le premier choix laisse entendre que /2/ sous-jacent à g ou j est plus<br />
ancien que /j/, mais le second choix, qu’il est le produit d’une évolution regrettable du /j/ noté i. Les<br />
traces historiques de l’évolution montrent l’erreur !<br />
Viennent ensuite les règles de graphie :<br />
« I note i français et i semi-consonne (y): nid, arriu, ièrba, pai, mai, saunei, glòria,<br />
fàcia, auriá.[…]<br />
« En gascon, le son G, J vaut tantôt un j fr. tantôt un y semi-consonne; on notera toujours<br />
g ou j.<br />
« Le son j sera rendu par un g devant e, i; par j devant a, o, u: gelar, genèr, passegi,<br />
mingi, monge, jòc, jàser, joentut, passejar, minjar, ploja, troja.<br />
« Seuls les mots d’emprunt savant conserveront leur j d’origine : Jèsus, Jerusalèm,<br />
projeccion, injeccion, trajectòria. »<br />
En analysant ces lignes qui, comme souvent, confondent facilement les sons et les lettres qui<br />
les représentent, on peut les interpréter ainsi :<br />
Le /j/ prénucléaire (ièrba, glòria, fàcia, auriá) se rend par i, mais aussi par g ou j (gelar, genèr,<br />
jòc, jàser, joentut; mingi, monge, minjar); de même en intervocalique, par i (beròia) ou g/j<br />
(passegi, passejar, ploja, troja). Mais postnucléaire, il est noté par i uniquement (pai, mai, saunei).