Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
Jean <strong>Lafitte</strong> 270 Écriture du gascon<br />
Le son /ka/ issu du latin qua<br />
Viennent ensuite dans L’application… deux autres alinéas qui présentent nombre de difficultés;<br />
je les rappelle ici, bien qu’ils concernent aussi le son /ko/ qui sera étudié plus loin.<br />
« Cependant, le son k sera noté par qu, d’après l’étymologie, dans les mots d’origine savante<br />
et dans quelques mots populaires : qualitat, liquor, quotidian, quotitat, quartèr.<br />
« Quand la semi-consonne w latine ou germanique persiste dans les groupes qua, que,<br />
gue, on notera la valeur spéciale de u par ˘ ou ´ : q#an ou qúan ; g#èr ou gúèr, g#èi ou gúèi. »<br />
On sait que qua latin aboutit généralement à /ka/, mais aussi à /kwa/ dans un certain nombre<br />
de mots, dans certaines parties du domaine. L’ancienne langue gasconne n’hésitait pas à écrire coa<br />
dont j’ai relevé des nombreuses occurrences dans mon corpus numérisé, mais dont il serait fastidieux<br />
de donner les références : coate, coart(a), coarante, coayre, coayrade, coaresme (tous issus<br />
de ‘quattuor’), sinquoante, lacoau, coar (avant de devenir car) et Pascoa. Mais la graphie alibertine<br />
n’a retenu que qua, avec un u orné d’un accent aigu ou d’une lunule pour marquer la prononciation<br />
en [kw]; avec toutefois cette particularité que les imprimés comportant ces signes diacritiques doivent<br />
être des pièces de musée, car dès 1956, P. Bec les abandonnait de sa seule autorité, estimant<br />
que qua suffisait pour rendre /ka/ ou /kwa/. Mais ceux qui ont l’expérience du manque de repère des<br />
néo-locuteurs ont opté pour le tréma : qua se lit [ka] et qüa [kwa]. C’est même la position officielle<br />
de l’I.E.O. dans le document de 1989, point 28 (Annexe XIII, p. 412); mais l’ignorant ou feignant<br />
de l’ignorer, M. Grosclaude refuse ce tréma préconisé par « certains linguistes » (Dic. Narioo et autres,<br />
p. 31). Cela n’est pas fait pour faciliter la transmission de la langue par l’écrit !<br />
Quoi qu’il en soit, même la notation de ce qui est partout /ka/ hésite entre qua et ca ; et<br />
d’abord pour des mots qui sont tous des dérivés plus ou moins proches de ‘quattuor’ :<br />
– quatorze et quatorzau : quatorzau (Bec, Contes…, p. 70), catorze (ib., p. 188) et quatorze<br />
(Bec, Racontes…, p. 117); dans le document du Secteur de linguistique de l’I.E.O. de 1985 (cf. Annexe<br />
XIII, p. 410) on lit cette curieuse affirmation « On écrit conformément à l’étymologie […] catòrze…<br />
»; le document est co-signé par J. Taupiac et B. Giacomo, alors président de l’I.E.O., mais<br />
aussi par R. Teulat qui écrivait pourtant en 1982 « De prétendus spécialistes vous diront que c’est<br />
une raison étymologique qui fait que catòrze ne s’écrit pas comme quatre. » (Aicí e ara, 2 ème série,<br />
n° 1, p. 28). En réalité, catòrze est la graphie phonologique attestée par les textes occitans les plus<br />
anciens, probablement par suite d’une dissimilation très ancienne des [w…u] d’un [kwa'turze] en<br />
[ka'turze]; mais l’étymologie demande qua. En raison d’une cohérence idéographique qui lie la graphie<br />
qua au chiffre 4 et à ses dérivés directs, il n’y a aucune raison sérieuse d’écrire catorze et quaranta,<br />
prononcés aujourd’hui par [ka]-; ce fut d’ailleurs la solution des anciens textes béarnais cités<br />
par Lespy; et ce qui était écrit XIIII à l’article 22 de la copie des XIII e -XIV e s. des Coutumes de<br />
Montsaunès est écrit quatorze dans celle des XV e -XVI e s. C’est aussi la graphie de G. Narioo (P.N.<br />
26, 9-10/1971, p. 9), R. Lapassade (Ua sason en païs bramader, 1988, p. 65, Requisitòri, 1991, p.<br />
37), J.-F. Tisnèr (livret du CD Camelicà, 1995, p. 1); en oubliant l’hapax en c-, c’est donc la bonne<br />
voie que nous a montrée P. Bec.<br />
– on lit encore chez cet auteur escartat (Contes…, p. 172), carrat (ib., p. 62), carrèu (ib., p.<br />
193) : ces graphies sont celles d’Alibert et aussi de Séguy qui écrit carrat, carrelat (ALG IV, 1276)<br />
cité p. 150; J. Taupiac, qui, pendant l’été 1975, « a travaillé avec Bernard Manciet à la normalisation<br />
graphique de son […] roman Elena » (Q.L.O. n° 4, p. 16) y écrit lui aussi carrat (p. 58); pourtant,<br />
le Civadot note quarrèu (v° carreau) et hésite entre quarrat (v° carré, oreiller) et carrat (v°<br />
foulard); d’où peut-être le quarrat de Danèu Menjòt (Letras deu men molin, 1991, pp. 49 et 50) et