Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 237 Écriture du gascon<br />
Ainsi réunis en un seul, ces deux principes sont à la fois indispensables et d’application délicate;<br />
en effet, on ne peut envisager de représenter graphiquement toutes les variantes de la langue<br />
parlée; et en même temps, comment refuser au locuteur de pouvoir écrire son parler, aussi digne<br />
que tous les autres, selon ce qui est toujours affirmé ? En tout cas, ils partent d’une vision diachronique<br />
de la langue selon laquelle les parlers actuels sont issus d’une même souche que P. Bec appelle<br />
protosystème, et se sont séparés faute d’utilisation officielle et d’enseignement; il suffit donc de<br />
faire marche arrière sur le chemin de la “décadence” et de retrouver le mot ancien, père de toutes les<br />
variantes actuelles, en donnant les clés locales de lecture des phonèmes altérés par le temps. Idée<br />
séduisante, évidemment, et qui peut réussir souvent.<br />
Pourtant, cette démarche ne vaut que dans le cadre de la théorie globale qui la fonde, théorie<br />
qui voit dans le gascon : « un autre protosystème que pour le reste de l’occitan, protosystème dont<br />
le gascon moderne est d’ailleurs resté particulièrement proche. » (P. Bec, 1973, p. 26). Et, de fait,<br />
pour avoir poussé sur une terre différente de celle de l’occitan, le gascon en est le frère ou le cousin,<br />
mais pas le fils (cf. Chambon, cité p. 20); en revenant aux racines, nous trouvons donc le latin (et<br />
parfois ce que nous pensons être l’aquitain), jamais l’occitan des troubadours : dia vient de ‘dies’,<br />
pas de jorn (< ‘diurnus’ < ‘dies’) etc. Même si, dans la parution de L’application…,<br />
l’incontournable spécificité linguistique fut sans doute déterminante (cf. p. 144), c’est cela le rocher<br />
qui en est l’assise. Nous sommes donc en présence de deux diasystèmes, poursuit P. Bec.<br />
Mais dans le diasystème gascon lui-même, on ne peut affirmer que telle variante de la région<br />
A est issue de telle autre, toujours vive dans la région B. Par exemple les suites -ariu > -air(u) > -èir<br />
> -èr et -ol(u) > -ol > òu > -ò consacrent la plus grande antiquité de -èir sur -èr et de òu sur -ò;<br />
pourtant, si L’application… choisit -òu comme forme préférentielle (« esquiròu et non esquirò »),<br />
elle ne dit rien de -èir/-èr tout en préférant hèit à hèt. Serait-ce la référence implicite au béarnais qui<br />
expliquerait ce silence peu scientifique ? Et puis, il y a tous les doutes sur les étymologies… et la<br />
mauvaise connaissance des variantes existantes : faudra-t-il changer la graphie d’un mot “panoccitan”<br />
(ou seulement “pangascon”) chaque fois qu’on trouvera dans un recoin de pays, pour petit qu’il<br />
soit, une réalisation plus proche de l’étymon latin ? Sans doute le principe ne peut-il être pris<br />
comme un absolu, tel qu’il est écrit, mais doit être tempéré par celui d’“économie” des scolastiques<br />
: « non sunt entia multiplicanda sine necessitate » {il ne faut pas multiplier les entités sans nécessité};<br />
et les lieux qui ne pourront se contenter de la graphie générale et du code de lecture qui lui<br />
correspond auront leur graphie propre (variante irréductible), comme par exemple les pluriels féminins<br />
en -es de l’aranais (cf. p. 159) : la normalisation graphique n’est pas la normalisation linguistique,<br />
comme l’a souligné J. Taupiac dans sa brochure de 1984.<br />
C’est finalement ce qu’exprimait naguère l’occitaniste provençal déjà cité, G. Fossat, 2002 :<br />
« La graphie doit être englobante chaque fois que possible, mais une forme unique<br />
n’est pas applicable pour tous les mots. La diversité phonétique et lexicale de l’occitan<br />
n’est pas une tare, il faut l’accepter. Demander à l’État français de respecter le principe de<br />
“l’unité dans la diversité” est bien, mais ce serait une bonne chose de commencer par<br />
l’appliquer nous-mêmes… ».<br />
Principes F et G : rétablissement de consonnes étymologiques<br />
Ces principes tendent tous deux au rétablissement de consonnes étymologiques que<br />
l’évolution du parler a amuïes, ou assimilées ou altérées d’une façon ou d’une autre. Je les garderai<br />
pourtant séparés en vue de l’étude que je vais en faire ensuite.