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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 32 La langue gasconne<br />

ministre de l’Éducation nationale M. Haby (Bulletin officiel de l’Éducation nationale n° 14 du 8<br />

avril 1976, pp. 1465-69) allait mettre en émoi le monde occitaniste; on y lisait en effet, p. 1468 :<br />

« Je rappelle que les langues reconnues par la règlementation en vigueur sont : le<br />

breton, le basque, le catalan, les langues d’oc et le corse. »<br />

« Chaque fois qu’une langue est pratiquée sous forme de dialectes différenciés, c’est<br />

le dialecte correspondant au lieu où l’enseignement est dispensé et la graphie la plus<br />

appropriée à ce dialecte qui seront utilisés. »<br />

On observe d’emblée que la liste des langues est fixée par « la règlementation », comme<br />

modalité de l’organisation de l’enseignement, ainsi que l’avait reconnu le Conseil d’État lorsque fut<br />

pris le décret n° 70-650 du 10 juillet 1970 portant une première modification de la loi de 1951; que<br />

« les langues d’oc » remplace « la langue occitane » de cette loi, et qu’y est ajouté « le corse »,<br />

selon un décret du 16 janvier 1974.<br />

Mais les occitanistes ne pouvaient voir disparaitre la mention unitaire de « langue occitane »,<br />

indispensable pour bâtir une « Occitanie » politique et dotée d’une langue unifiée et standardisée.<br />

Ce fut la Fédération de l’enseignement occitan qui se chargea d’exercer un recours, d’abord<br />

“gracieux” auprès du ministre, le 10 mai 1976, puis contentieux devant le Conseil d’État, le 19<br />

octobre; la requête était présentée par le secrétaire général de la Fédération, M. Philippe Carbonne,<br />

jeune maitre-assistant à l’université de Toulouse II qui agissait aussi en son nom personnel.<br />

Au terme de la procédure, le commissaire du Gouvernement M. Denoix de Saint-Marc démontra<br />

dans ses conclusions que tout l’esprit de la loi Deixonne était « de favoriser l’étude des langues<br />

et dialectes locaux dans les régions où ils sont en usage » (art. 1 er ), et que rien ne permettait<br />

de dire que par le singulier « langue occitane » de l’article 10, le législateur avait entendu « poser<br />

en règle de droit l’unité de la langue d’oc ». Et de citer les dictionnaires et encyclopédies contemporains<br />

qui définissent au contraire l’occitan « comme l’ensemble des dialectes de langue d’oc »,<br />

donc comme multiple. Se conformant à cet avis, le Conseil d’État rendit son arrêt le 7 octobre<br />

1977 : il rejetait la requête et déclarait donc légale la mention des « langues d’oc » au pluriel, car<br />

elle était « purement interprétative ».<br />

Ainsi, aux requérants qui souhaitaient une application à la lettre — et, osons le mot, centralisatrice<br />

et “jacobine” — des mots « langue occitane » de l’article 10, le Conseil d’État opposait l’esprit<br />

de la loi, qui voulait être au plus près des réalités de terrain.<br />

Au demeurant, un illustre occitaniste René Nelli (1906-1982) allait bientôt approuver ce pluriel<br />

de « langues d’oc » dans un ouvrage de réflexion critique et sans concession sur l’occitanisme,<br />

achevé peu avant l’arrêt et publié l’année suivante : Mais enfin qu’est-ce que l’Occitanie ?. Ancien<br />

professeur de lettres et de philosophie au lycée de Carcassonne, puis à la Faculté de lettres de<br />

Toulouse, ancien président de la Société d’études occitanes (1943-1944) et l’un des fondateurs de<br />

l’I.E.O. en 1945 (d’après J. Fourié, 1994), Nelli dénonçait en particulier, p. 31, la confusion qui…<br />

« consiste à traiter l’occitan comme un langage existant en tant que tel. En réalité, il<br />

est partout et nulle part. Personne n’écrit en occitan, mais en provençal, en languedocien,<br />

en gascon… Les circulaires ministérielles ont donc raison de parler de l’enseignement<br />

des « langues d’oc » et non pas de l’occitan. Reconnaitre que chacune des langues est<br />

occitane ne change rien au fond du problème. Ce n’est pas parce que le Provençal, l’Espagnol<br />

et l’Italien sont trois langues « néo-romanes » que le Néo-roman existe. Le provençal<br />

est de l’occitan, mais l’occitan n’est pas le provençal ! »<br />

Le sociologue Pierre Bourdieu (1982, p. 140) devait aller dans le même sens :

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