Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 258 Écriture du gascon<br />
En revanche, le /2/ ne sera rendu que par g ou j, suivant les règles de partage des deux derniers<br />
alinéas, la première selon la voyelle qui suit, la seconde selon l’étymologie.<br />
On peut donc supposer que la notation du /j/ par i ou par g/j se répartira suivant une règle non<br />
écrite, à savoir que i notera ce qui est partout réalisé par [j], tandis que g/j sera la “graphie englobante”<br />
à utiliser quand le même mot se réalise par [j] ou par [2] selon les lieux.<br />
Mais pour cela, il faut savoir si ce qui est [j] en Béarn, par exemple, sera partout [j] ou s’il sera<br />
[2] dans la zone [2]. De fait, grammairiens et lexicographes hésitent souvent. Ainsi pour ce mot<br />
banal de beròia ou beròja, féminin de béròi {joli}. M. Grosclaude (1977, p. 161) et Atau que’s ditz<br />
(1998) donnent beròi,a; Dulau (1994), bròi, bròia, bròiament (forme syncopée); mais le Civadot<br />
(1984), beròi,-òja (v° joli), beròjas (v° des) et aussi beròias (v° quel !); A. Hourcade (1986, p. 71),<br />
beròi,-òja; Que parlam (1996, p. 58), bròja. Et ne parlons pas des écrivains… D’où la règle du féminin<br />
selon MM. Birabent et Salles-Loustau :<br />
« Diphtongues terminées par I : on ajoute A au féminin et le I est remplacé par un J.<br />
« Ex. : beròi/beròja (joli, e); arroi/arroja (rouge). » (Mémento, 1989, p. 28).<br />
Autre exemple : “hier” est ier en languedocien et chez M. Grosclaude (1977, p. 32), dans le<br />
Petit diccionari castelhan-aranés… de Vergés Bartau (1991) et dans Que parlam (p. 50), et ger<br />
dans le Civadot (1984) et le Mémento (p. 64), ier/ger dans Atau que’s ditz. Ou encore les deux [j!r]<br />
et [j!rr], communes distantes d’à peine 22 km, l’une dans les Pyrénées-Atlantiques, l’autre dans les<br />
Hautes-Pyrénées : dans son Dictionnaire toponymique de 1991, M. Grosclaude écrit le premier Gèr<br />
et dans celui de 2000, le second Ièr, probablement sur la demande du Comitat dera lenga, organisme<br />
départemental qui s’est toujours montré soucieux de rapprocher la graphie de la langue parlée.<br />
Mais ce désordre et les problèmes concrets évoqués plus haut sont ignorés des chantres de<br />
l’occitanisme. Ainsi, Jean Sibille, dans sa présentation optimiste de la graphie classique du gascon<br />
(2000-1, p. 31) : il y aurait un « gascon oriental » qui réalise le ch de achorrar en [0] et le j de viatjar<br />
et assajar en [2], et un « gascon occidental » qui réalise ce ch en [tj] ou [#] et le j en [j]. Or les<br />
seules cartes de l’ALG VI, 2117 et 2118 n’ont pas grand chose de commun avec celle des réalisation<br />
de ch (plus loin, p. 263). On ne peut donc ignorer perpétuellement les problèmes.<br />
Pour un retour aux sources : y = [j]<br />
On est donc déjà en présence d’un polymorphisme graphique au sein même du gascon, et de<br />
la part d’auteurs de la mouvance occitaniste, car la “graphie englobante” n’est pas techniquement<br />
possible selon le principe justement rappelé par J. Taupiac. On peut même s’interroger sur son opportunité<br />
en l’état actuel de la langue. Voici par exemple un passage du compte-rendu de la thèse de<br />
D. Stich sur la graphie du franco-provençal (100 e rapport annuel du Glossaire des patois de la<br />
Suisse romande de 1998, cité par J.-B. Martin, 2000, p. 81) :<br />
« l’élaboration d’une orthographe supra-dialectale, étayée en outre par des concepts<br />
relevant de la phonétique et de la phonologie, est un pari risqué dans un ouvrage destiné au<br />
grand public. Le lecteur patoisant, et a fortiori le non-patoisant, s’astreindra-t-il à l’effort<br />
d’abstraction nécessaire à l’assimilation d’un système reconstruit, pour accéder ensuite au<br />
patois précis, qui seul l’intéresse ? »<br />
Or nous avons vu p. 150 que J. Séguy et X. Ravier ont usé de y pour noter [j], retrouvant en<br />
cela une tradition d’écriture gasconne de plus de sept siècles, en parfaite conformité avec le principe<br />
A de la graphie classique.