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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 87 Sociolinguistique du gascon<br />

de chorales, chanteurs, groupes de danse, conteurs, instituteurs itinérants, acteurs culturels,<br />

public des ateliers de langue, en tout cas ici en Gascogne.<br />

« Les choses se passent souvent comme s’il y avait d’un côté les activistes et<br />

idéologues, de l’autre le “peuple” qui ne comprend pas trop ce que veulent ces gens-là. Les<br />

uns ont vite fait de juger les autres arriérés, ceux-ci voient dans les premiers des fauteurs<br />

de désordre bons à crier et écrire une langue où ils ne se reconnaissent pas.<br />

« La vieille division entre le Félibrige et les occitanistes n’en finit pas de nous<br />

ronger, quoique sous d’autres formes, avec d’autres mots, et il ne faut pas croire que cela<br />

ne se passe qu’en Provence. Nous jetons un manteau pudique sur tout cela — je sais que je<br />

ne suis pas politiquement correct d’en parler —, nous allons continuer à mettre la tête dans<br />

le sable. Au lieu de toujours fuir en avant par des proclamations, il faut tout faire pour<br />

essayer, si c’est encore possible, de prendre en charge notre histoire totale, sans écarter<br />

aucune sensibilité. »<br />

Si les défenseurs des langues d’oc, félibres et occitanistes, étaient vraiment sentis comme<br />

modèles pour les peuples d’oc et en particulier pour les jeunes, comme le sont les sportifs ou les<br />

chanteurs, il y aurait peut-être un courant pour donner envie d’apprendre et de parler la langue.<br />

Mais, comme le notait amèrement Michel Chapduelh [Chadeuil, cf. p. 47] (Occitans ! n° 70, Nov.-<br />

Dec. 1995, p. 19), la génération de 68 a tout fait pour tuer « l’affectivité, origine de tous les<br />

fascismes » et on s’étonne d’avoir de jeunes élèves sans enthousiasme. C’était mal vu de vouloir<br />

parler de la « langue du papet » (cf. a contrario P. Sauzet au Cercle de minuit, cité p. 75), l’avenir<br />

était pour l’occitan normé, standardisé etc.<br />

On en vient donc à douter de la pertinence de la Réforme linguistique occitane dont Louis<br />

Alibert fut le grand théoricien avant la II nde Guerre mondiale, et qui fut adoptée comme allant de soi<br />

par l’établissement scolaire (pour le gascon, voir pp. 221 sqq.). Enfermée dans une linguistique<br />

“pure”, elle a ignoré totalement les données sociolinguistiques des langues d’oc en France dans les<br />

années 20 du siècle dernier… à plus forte raison depuis cette Guerre.<br />

Si la langue des dictionnaires et des grammaires normées vaut plus que celle du cœur,<br />

pourquoi se fatiguer à l’apprendre quand on sait qu’elle ne servira pas du tout dans la vie de tous les<br />

jours, sinon pour devenir capessien d’occitan et se chercher des postes et des élèves pour faire<br />

tourner la roue ?<br />

Et même les retraités ne sont guère incités à retrouver une langue de leur jeunesse : quand, en<br />

Octobre 2000, la presse de Pau publie un supplément gratuit Vivre senior, la 6 ème des « Dix recettes<br />

pour garder la forme », Apprenez, n’envisage que des langues étrangères; qu’on l’appelle occitan,<br />

gascon ou béarnais, la langue d’oc du pays est totalement oubliée.<br />

Le résultat, c’est que le discours de l’école d’autrefois, qui interdisait le « patois » au profit du<br />

français, langue de la modernité et de la liberté, s’est trouvé renforcé par celui des maitres en oc qui<br />

méprisent ce même « patois » que l’on confinera dans l’oralité et l’usage privé :<br />

« ... si nous voulons défendre sérieusement notre langue, il importe qu’elle<br />

n’apparaisse pas comme une succursale du français ou comme un patois abâtardi et<br />

incapable de se suffire à lui-même. » (M. Grosclaude, Introduction de Narioo et autres,<br />

2003, p. 14).<br />

Citant ce passage d’après le Petit dictionnaire Français-Occitan (Béarn) dit Civadot (p. 14)<br />

d’où il est repris en 2003, A. Kristol et J. Wüest (1985, p. 50) faisaient justement observer :<br />

« Il nous parait que les auteurs de ce texte sont victimes des préjugés de leur<br />

entourage quand ils traitent l’occitan parlé de “patois abâtardi”. Il a beaucoup été question<br />

des inconséquences de la politique linguistique du Félibrige, mais celle des occitanistes<br />

n’est pas toujours cohérente non plus. »

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