Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 222 Écriture du gascon<br />
Une page de ce même numéro, Comment lire le gascon (pp. 16-17), limitait en effet à trois<br />
règles ce qu’un gasconophone a besoin de savoir pour s’y retrouver. Pourtant, cela dut créer un<br />
choc parmi les premiers lecteurs béarnophones, dont témoigne en particulier un billet publié dans le<br />
numéro suivant. Il émane d’une vieille mercière d’Orthez, héritière d’une lignée d’écrivains béarnais<br />
célèbres (cf. pp. 120-123), membre elle-même de l’Escole Gastou Febus depuis 1921 (Reclams<br />
n° 5, May 1921, p. 80) et certainement pourvue d’un bagage littéraire enviable :<br />
« Je ne sais pas du tout pourquoi ceux de PER NOUSTE écrivent en Français<br />
d’aujourd’hui, et non pas en latin, ou ne parlent pas comme le défunt Turoldus. Il faut savoir<br />
ce que vous voulez : le parler béarnais de tous les jours comme il se parle en différents<br />
lieux et s’écrit de même avec ses particularités qui changent d’un endroit à l’autre, ou si<br />
vous voulez revenir “aux sources savantes” [en français dans la lettre] pour mieux se faire<br />
comprendre de Vladivostock à Quimperlé avec un espéranto sans saveur. Avec ça, merci<br />
quand même de laisser une petite place à ceux qui ne sont ni instituteur, ni professeur, et<br />
qui ne savent lire que de l’écriture, et non pas de la “graphie”. Je vous salue, Maitre, et portez-vous<br />
bien toujours. » (Marguerite Lafore, rue des Jacobins, Orthez, Per nouste n° 2,<br />
Oct. 1967, Courrier des lecteurs, p. 23; traduit du béarnais.)<br />
Malheureusement, les dirigeants de Per nouste ne surent pas entendre cet avertissement et jugèrent<br />
sans doute qu’avec quelques explications, leur message finirait par passer. M. Grosclaude fut<br />
donc chargé de présenter la nouvelle graphie dans ce même n° 2 de la revue, les <strong>Béarnais</strong> béarnophones<br />
de l’association ayant apparemment jugé plus importante la compétence supposée de ce<br />
Lorrain qui avait suivi des stages que la connaissance intime qu’ils avaient eux-mêmes de leur langue<br />
ancestrale.<br />
Un article de Michel Grosclaude (1967)<br />
Ainsi, tandis qu’en 1583, le pasteur béarnais Arnaud de Salette expliquait en béarnais à ses<br />
confrères francophones, venus convertir le Béarn, comment lire et bien prononcer le béarnais écrit<br />
selon sa tradition, en 1967, c’est en français qu’un Français du nord va expliquer aux <strong>Béarnais</strong><br />
comment lire et prononcer leur langue, écrite en rupture avec cinq siècles de tradition adaptée !<br />
Voulant « traiter cette question, au moins une fois, de façon complète », il le fait en cinq pages et<br />
demie sous le titre L’orthographe occitane normalisée : mélange naïf — on veut bien le croire —<br />
d’informations objectives et de morceaux de propagande occitaniste peu scrupuleuse, cet exposé est<br />
tellement caractéristique du discours occitaniste que j’en commente de larges extraits en Annexe<br />
XVII.<br />
À la base, il y a le concept de langue occitane unique incluant même le catalan, et qui ne s’est<br />
divisée en dialectes que par la faute de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539. Or la « graphie<br />
occitane normalisée » commune à tous les dialectes d’oc va y remédier et « rendre à la langue occitane,<br />
et sa dignité de langue, et son unité d’autrefois ». Mais on ne rompt pas avec l’œuvre des Félibres,<br />
on la « pousse […] plus en avant encore ».<br />
Accessoirement, ce système, basé sur la graphie des troubadours, doit permettre la lecture des<br />
textes anciens et « en écrivant les mots d’une manière plus conforme à leur étymologie, […] mieux<br />
mettre en lumière la parentée [sic] entre la Langue d’oc et les autres langues Romanes. »<br />
Suit un exposé pratique des principales règles de la graphie de l’I.E.O., passées de trois à sept<br />
depuis le n° 1 de la revue… Et l’auteur termine par cinq alinéas qui veulent rassurer les lecteurs réticents<br />
: la graphie ne change pas la langue, le béarnais reste lui-même et « quelques minutes suffisent<br />
généralement » pour apprendre à lire.