13.07.2013 Views

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

Jean <strong>Lafitte</strong> 106 Écriture du gascon<br />

Mais ce français était lui aussi en transition (cf. Bec, 1971, p. 54), comme en témoigne par<br />

exemple l’Heptaméron de Marguerite de Navarre (1559, éd. Garnier, 1964); dans le seul Prologue,<br />

pp. 1 à 10, j’ai noté contre l’usage actuel, parfois en plusieurs occurrences oblier, oblyé, povoir, oy<br />

“oui”, oyr “ouïr”, moillé, demorer, plorans; et à l’inverse, proufondeur, demourer.<br />

Quant à la finale féminine, après que le [a] originel se fût d’abord fermé en [œ], comme en<br />

catalan et dans tout l’ouest gascon (cf. p. 102), il était en train de passer à [o], état actuel que reflètera<br />

la graphie de d’Astros dès le siècle suivant (p. 115); au demeurant, selon Bladé, « la terminaison<br />

[…] e [était conforme], aux habitudes de l’Armagnac proprement dit et des Landes. » (Poésies<br />

populaires de la Gascogne, <strong>Tome</strong> I, Paris : Maisonneuve, 1881, p. 4).<br />

4 – Pey de Garros<br />

Né à Lectoure entre 1525 et 1530, Pey de Garros n’eut qu’une très courte carrière littéraire,<br />

puisque ses œuvres gasconnes ont été publiées en 1565 (Psaumes) et 1567 (Poesias gasconas). Il<br />

avait donc au plus 42 ans quand s’arrêta cette carrière, sa charge d’avocat général à Pau comme haut<br />

magistrat du royaume de Navarre s’étant sans doute opposée à la poursuite d’une œuvre littéraire.<br />

Cette œuvre « constitue une sorte d’énigme, qui trouve peut-être son origine et son explication<br />

dans son caractère doublement fondateur, à la fois d’une langue, pour laquelle une graphie<br />

nouvelle est proposée, et d’une littérature, qui cherche à faire école. » (Philippe Gardy et Guy<br />

Latry, Avant-propos de Berry, 1948/1997, 8). Fondateur d’une langue, c’est sans doute beaucoup<br />

dire; plutôt d’une langue littéraire; quant à la graphie, elle n’est pas sans liens avec la pratique<br />

médiévale, tout en étant novatrice sur plusieurs points.<br />

Pour Berry (ib., 45) bien des traits de cette graphie « ne sont que des archaïsmes généraux, de<br />

vieille origine, retrouvables en oc comme en oïl chez maints auteurs du XVI e siècle ». Et de citer o<br />

pour /u/ de mori — mais ce o français devait se prononcer /o/ plutôt que /u/, comme on vient de le<br />

voir chez Marguerite de Navarre —, y de roy, ny pour ni, ae dans Aegptiaca, oe dans coelica, abus<br />

de th et de ch pour q et c étymologiques etc. Mais avec ph pour /f/, Garros innove : il évite le f dont<br />

le gascon a fait h. Cependant, la notation par -a de la finale féminine « ne relève que de l’usage<br />

vieux-provençal le plus ordinaire » (ib., 46)… à ceci près que l’usage “vieux gascon” était plutôt -e<br />

dans une vaste étendue du domaine comme on l’a vu p. 102. Par contre, c’est bien dans le vieux<br />

fonds gascon — Berry dit « aquitain » — que Garros va chercher le x/ix pour /#/, les finales en -nn<br />

et -rr, pluriel de -c en -cx (enemicx), q non suivi de u (qaucom) etc. Et de conclure « La part<br />

d’invention formelle de Garros, tous ces cas classés, apparaît piètre » (ib., 47).<br />

Mais finalement, Berry situe Garros dans son temps et montre que « le poète, tout en prenant<br />

sur tel ou tel point des dispositions particulières, est dans le ton des discussions engagées depuis<br />

longtemps, en réaction contre le désordre du moyen-français. » (ib.).<br />

Robert Lafont (1968) a aussi étudié la graphie de Garros avec beaucoup de soin et d’intelligence,<br />

en s’attachant à l’analyser comme un tout structuré, dont on ne peut isoler un aspect en ignorant<br />

tous les autres. Son titre en dit déjà beaucoup : « La graphie de Garros offre des caractères évidents<br />

de graphie phonétique pratique » (p. 407). Ainsi, R. Lafont souligne le souci de Garros d’offrir un<br />

écrit lisible sans ambigüité par l’usage délibéré de signes diacritiques, mais aussi, par exemple, par<br />

la notation en -rr du r long qui a subsisté et la suppression du -r final devenu muet (herr, torr /<br />

corre, sospira, vencedo, amo…). Et il observe que le -o étant affecté à la finale (tonique) des mots

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!