Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 305 Écriture du gascon<br />
(1984) d’après Palay, mais en ajoutant : « mais la forme la plus correcte semble être : Pirenèus m.<br />
pl. ». En fait, cette forme est celle de Mistral (sans le -s du pluriel en provençal) et du languedocien,<br />
attestée par exemple par le Vocabulari ortografic d’Alibert (1935), et issue probablement du latin<br />
‘Pyrenaei montes’. Mais il s’agit en tout état de cause d’un mot savant qui implique une vision globale<br />
de la chaine, alors que les montagnards n’ont pas de nom général. Il n’est donc pas impossible<br />
que le féminin [mun'ta'œ/o], largement populaire, ait permis l’acclimatation gasconne du “Pyrénées”<br />
féminin des géographes et touristes français de jadis.<br />
Il est certain qu’en gascon, la langue parlée n’use que du féminin pluriel, avec le dernier e<br />
fermé, au voisinage de n, donc [pire'neœ/os] écrit Pireneas. C’est cette forme, ou plus souvent son<br />
équivalent en graphie moderne, qu’ont trouve chez les auteurs de mon corpus, depuis Hourcastrémé<br />
(fin du XVIII e s.), jusqu’au chanteur contemporain Marcel Amont (èras Pirenèas [sic], disque M. A.<br />
canto en biarnés, 1979); le nom même de l’Escolo deras Pireneos fondée en 1904 en témoigne.<br />
La revue Per nouste écrivit Pireneas dès la première fois où elle donna l’adresse de R. Lapassade<br />
en gascon (n° 13, 9-10/1969, p. 2 de couverture) et continua pendant longtemps, au moins jusqu’à<br />
un communiqué du C.R.E.O. de Toulouse (n° 99, 11-12/1983, p. 20). Mais peut-être sous<br />
l’influence des rédacteurs du Civadot — je pense particulièrement au théoricien M. Grosclaude —,<br />
le n° 129 (11-12/1988), justement consacré à ces montagnes, était intitulé Pyrenèus, vite rectifié en<br />
Pirenèus. Une mode occitaniste s’est donc établie en marge de la langue vivante, tandis que les auteurs<br />
qui possèdent bien la langue gardent Pireneas, comme Robèrt de Labòrda (R. Darrigrand),<br />
Reclams, 5-6/1984, p. 86; A. Peyroutet (Que l’aperavan Colorado, 1989), etc. Et surtout le Dic. des<br />
Hautes-Pyrénées, Atau que’s ditz, 1998, p. 8, remarqué par son attachement à la langue vivante. Pireneas<br />
est donc, en graphie classique la seule forme gasconne authentique.<br />
L’année : l’anada<br />
Par méconnaissance de la langue parlée ou alignement servile sur le languedocien, la plupart<br />
des auteurs occitanistes écrivent annada pour “année”. Même P. Bec, transcrivant Béline de Camélat,<br />
a écrit annada (Chant III, v. 419), pour anade, rimant avec anade {allée} (v. 420) du verbe<br />
anar. Pourtant, le gascon dit [a'nadœ/o] dans la plus grande partie du domaine (ALG I, 100), la<br />
forme [an'nadœ/o], limitée à une bande de quelque 40 km le long de la Garonne, étant manifestement<br />
due à l’influence du languedocien. Or même dans cette langue, qui réduit les géminées latines<br />
suivant la tendance générale des langues d’oc, il est probable qu’il s’agit là d’une réfection savante<br />
à partir d’‘annata’ latin. Ici encore, la fidélité à la langue dicte la graphie anada.<br />
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Voilà donc achevé un toilettage rigoureux de la graphie classique d’Alibert pour la rendre<br />
plus fidèle au gascon et permettre aux enseignants comme aux élèves de retrouver les prononciations<br />
authentiques.<br />
D’aucuns estimeront qu’on n’a pas à décrire tous les parlers dans leur infinie variété, et que<br />
tout ce travail est vain, œuvre d’un de ces « inévitables et impénitents bricoleurs de l’orthographe »<br />
que dénonçait naguère Patrick Sauzet (2000, p. 53). Mais il déclarait aussi qu’ « il faut former des