Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 259 Écriture du gascon
Voici par exemple quelques mots relevés dans la Décision des quatorze commissaires relativement
aux Padouens, du 29 octobre 1262, au Livre des Coutumes de Bordeaux, pp. 186-196 : rey
{roi}, prumey {premier}, feytas {faites}, autreyat {accordé}, maysons, gualeyas {galères}, puyaduy
{monticule}, le pronom y, chays, yma de la mar {marée basse ?}, mais aussi, mager {maire},
elegida, jurat, gitada {jetée}, jusca {jusque}, dejus {dessus}; et les noms propres Pey, Aymeric,
Cadauyac {Cadaujac, commune de la banlieue}, Duyac, etc.
Même pratique à Bayonne, d’après le Glossaire des Établissements de Bayonne : aleyar / adaleyar
{confirmer par serment}, centeye {centaine}, dreyteyar {poursuivre une action en justice},
mareyan { marin}, myeye noeyt {minuit}, poya {monter}.
Et encore en Béarn, avec le Registre de Bernat de Luntz, notaire vicomtal de 1371 à 1376 :
outre la position postnucléaire dans les diphtongues, on trouve à l’intervocalique : agreuyat, aleyes,
autreyar, ay… subj. du verbe aver, beraye {vraie}, beye, carreyar, causseye, chemineye, deye,
deyen, joyeus, leyau et dérivés, malaudeya, mayor, mieye, reyant, sayeg/-et, sayerade, senhoreyant,
uyot, y, yer; et après consonne ou diphtongue au : auyole, benyare, judyament, mieyansar.
En Bigorre, enfin, in Luchaire 1881, dans le Cartulaire, hormis les nombreux y postnucléaires
: Mieyabiela (p. 12), menyar {manger} (p. 13); dans un vidimus de 1251, leyal {légal} (p. 23);
dans un acte de 1260, Juan de Loyed (p. 29).
Puisque le besoin existe, pourquoi se priver d’une lettre qui a de telles “lettres de noblesse”…
et se trouve sur tous les claviers de machine à écrire !
Avec la caution de Bourciez et de Séguy, je préconise donc l’usage de y pour noter directement
[j] intervocalique, initial et postconsonantique, alternant avec g ou j pour noter le [2] des mêmes
lexèmes : goyat de Pau à Bordeaux, mais gojat en Comminges et Couserans. On rappellera à
cet égard la remarque pertinente de Palay :
« Comme semi-consonne, le son que représente l’y […], quand il est entre deux
voyelles comme dans autreyà, payère, il fait syllabe avec la seconde plutôt qu’avec la
première.
« De même, dans les combinaisons ry et ny le r et le n appartiennent à la syllabe précédente
et l’y à la suivante. Ex. : aryén (argent), pron. ar-yèn; minjà (manger), pron. min-yà. »
La coupure syllabique se fait donc toujours devant y, ce qui oppose le yod noté par i à celui
noté par y; tandis que le premier laisse à la consonne qui le précède dans la syllabe sa valeur ordinaire,
le second la renforce en quelque sorte; ainsi s’opposent :
abadiòla {petite abbaye} [aba'*j%lœ/o] viladyòt {petit village} [!ilad'dj%t]
miniatura {miniature} [minja'tyrœ/o] minyadura {mangeure} [mi'ja'dyrœ/o]
borient {bouillant} [bu'rjen] aryent {argent} [ar'jen]
Quant au ["] postnucléaire, il peut continuer à être noté par i, à l’occitane, car il ne présente
aucune ambigüité à la lecture; mais la logique du principe A voudrait qu’ici aussi, le y revienne,
puisqu’il est dans les textes gascons les plus anciens. Les usagers trancheront, s’ils n’ont pas opté
pour la graphie “moderne”, plus fidèle à la tradition sur ce point que la “classique” occitane.
Et comme un cas particulier, on traitera de même le pronom/adverbe de lieu ordinairement
écrit i car il se réalise par [2] dans une zone centrale du domaine (ALG I, 97 “il y a eu…”), mais
aussi dans les zones [2] du Béarn, selon Lespy (Dic.) :
« J (se prononçant avec le mot qui suit), y : Bee j-hauré chic de brigue ! NAV. Il y