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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 211 Écriture du gascon<br />

compréhension et que tiempo est parfaitement phonétique, comme la majeure partie de la graphie<br />

du castillan; de là à dire que l’espagnol est folklorique !<br />

Plus réaliste me semble Georg Kremnitz (1973) cité par Xavier Lamuela (1990, p. 161) :<br />

« La codification d’Alibert est un enfant de son temps : influence catalane, influence<br />

de la bourgeoisie latinisante, influence des théories linguistiques de son époque, étymologismes,<br />

historicismes, la rendent relativement difficile à employer. Il faudrait se demander<br />

aujourd’hui, avant qu’elle ne soit trop fixée et traditionnelle, si l’on ne peut pas admettre<br />

quelques recodifications, dans une direction plus phonologique et morphonologique. »<br />

Même opinion chez Roger Teulat (2001-2, p. 189), jugeant de l’incapacité de l’occitanisme<br />

pour réformer la graphie :<br />

« Ajoutez à cela une sorte de pédantisme, un mépris de tout ce qui est populaire, le<br />

modèle français de culture, la soif d’unanimisme et le culte du maitre (gourouïsme). Autant<br />

de traits négatifs dont il faut s’éloigner comme on ferme la parenthèse sur les erreurs du<br />

XX e siècle. »<br />

Or ce mépris du populaire colle à la peau de certains occitanistes, même chez un prêtre que<br />

l’on supposerait plus attentif aux humbles; ainsi, dans son monumental et si méritoire Diccionari<br />

general occitan [en lettres énormes] a partir dels parlars lengadocians [en caractères 6 fois moins<br />

hauts] (2003), Cantalausa donne le néologisme occitaniste patesejaire [{patoisayre} oserais-je traduire,<br />

pour rendre le caractère péjoratif du suffixe], avec pour troisième acception : « qui écrit sa<br />

langue maternelle avec une graphie étrangère ». Pour l’auteur, cela vise évidemment l’occitanophone<br />

naturel qui use des conventions orthographiques du français, notamment selon la graphie<br />

mistralienne; certainement, pas, malgré la généralité des termes, le Breton bretonnant de naissance<br />

qui écrit biniou (forme “officielle” chez les défenseurs de la langue bretonne) avec le graphème<br />

“français” ou. Mais c’est ignorer en 2003 qu’il y a de moins en moins de locuteurs naturels des langues<br />

d’oc, que les graphèmes honnis (ou pour /u/], gn pour /'/) sont aussi anciens en oc que le besoin<br />

de noter les prononciations correspondantes (cf. p. 103) et que pour un <strong>Béarnais</strong>, par exemple,<br />

sh pour /#/ selon la norme occitaniste est une graphie tout à fait étrangère !<br />

Ce mot patesejaire, je ne l’ai heureusement jamais rencontré sous la plume des occitanistes<br />

gascons, mais il est pour moi emblématique du climat de combat et de mépris dans lequel se situe le<br />

débat orthographique, alors que l’on ne devrait avoir en vue que le maintien et la transmission des<br />

langues vivantes du monde d’oc.<br />

Une graphie qui ignore les besoins des locuteurs<br />

Or rares sont les occitanistes à s’être préoccupés de la capacité des peuples d’oc, scolarisés en<br />

français, d’apprendre et de pratiquer une graphie si souvent déroutante (cf. Kristol & Wüest cités p.<br />

208). Citons du moins un occitaniste “de base”, Provençal du Vaucluse, Gilles Fossat (2002, p. 19) :<br />

« C’est la norme qui doit s’adapter à la langue, et non pas le contraire. Comme il<br />

n’est pas possible de faire de l’alphabétisation de masse, il faut rester lisible par tous. »<br />

Personnellement, je reçus comme une critique ce qui était de la part d’un cousin une louange :<br />

« la graphie classique, c’est formidable, on retrouve le latin »; mais si sa grand-mère livrait le vin<br />

dans des tonneaux sur des charrettes à cheval, son père devenu gros marchand de vin l’avait envoyé<br />

à L’Immaculée de Pau où il avait fait de bonnes humanités comme on disait alors; mais quid de tous<br />

ceux dont le béarnais était la langue de tous les jours ?

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