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Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

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Jean <strong>Lafitte</strong> 346 Épilogue<br />

supérieure. Et la situation sociale, elle est le résultat de la capacité de chacun d’utiliser les possibilités<br />

d’ascension qu’offre l’organisation de la société.<br />

Or c’est un fait que les langues romanes du Midi n’ont jamais été celles d’un état unifié et<br />

fort, mais de provinces dont les comtes se disputaient facilement entre eux, quand ils ne se faisaient<br />

pas la guerre, et qui furent incapables de résister aux “Croisés” venus de France. Et très vite, ceux<br />

qui voulaient “réussir” ont compris que cela passerait par le français. De là, par exemple, l’absence<br />

de littérature de prestige en Béarn, selon la pertinente remarque de Paul Clavé (1980, p. 27) :<br />

« … des causes profondes avaient empêché l’apparition d’une littérature majeure. Au<br />

temps des troubadours, les vicomtes béarnais avaient été complètement éclipsés par les fastueuses<br />

cours environnantes : Poitiers, Limoges, Toulouse, Barcelone. Après la défaite de<br />

Muret (12 septembre 1213) et la ruine des seigneurs qui nourrissaient les troubadours, les<br />

esprits s’étaient tournés vers le Nord. Quand Gaston Phébus voulait écrire à ses sujets autre<br />

chose que de simples billets, il le faisait en français. L’influence française s’étendait de<br />

plus en plus. Malgré la faiblesse du pouvoir royal (guerre de Cent-ans, folie de Charles<br />

VI), l’idée que le roi défendait les faibles contre les entreprises des seigneurs guerriers et<br />

pillards faisait son chemin. Jeanne d’Arc, dite l’Armagnacaise, trouvera en Gascogne ses<br />

plus ardents compagnons. Les seigneurs de Béarn ne seront bientôt plus que les vassaux de<br />

la royauté française affermie par Charles VII. »<br />

De nos jours encore, aucun de ceux qui “réussissent” et que les médias montrent tous les jours<br />

à la télévision ou dans les magazines, ne parle une langue régionale quelconque. M. Bayrou luimême<br />

semble n’avoir jamais repris publiquement la parole en béarnais…<br />

!"#$% !&", {tout s’écoule} disait le philosophe grec Héraclite. Dans les années 40, j’ai suivi<br />

les processions des Rogations à travers les jardins des maraichers de Jurançon, aux portes de Pau;<br />

on invoquait la clémence de Dieu en chantant les litanies des Saints, avec le répons « Te rogamus,<br />

audi nos » {nous te prions, écoute-nous} que la malice béarnaise avait depuis longtemps détourné<br />

en « Arrougagne-t aqueth òs — Minye la car e dèxe l’os » {ronge cet os, mange la viande et laisse<br />

l’os}. Cela compta dans les premières “leçons” de béarnais que je reçus alors. Il n’y a que soixante<br />

ans de cela, et pourtant, que c’est loin ! Les champs sont devenus lotissements, litanies et processions<br />

sont d’un passé révolu… Alors, pour entendre des gamins parodier les répons en béarnais…<br />

C’est donc avec la plus grande modestie qu’il nous faut envisager l’avenir de notre vieille<br />

langue, et tout faire pour ne pas rebuter ceux qui seraient tentés de la retrouver.<br />

Voilà pourquoi je l’enseigne bénévolement depuis plus de quinze ans, et pourquoi je me suis<br />

tellement préoccupé de la rendre aussi accessible que possible. Mes travaux sur la graphie n’ont pas<br />

eu d’autre but. Mais voilà que je risque fort de m’entendre dire que j’ai fait un bien long parcours<br />

dans une forêt embroussaillée pour me retrouver à deux pas de mon point de départ.<br />

Effectivement, mes débuts dans la langue de mes pères se firent dans la graphie de l’Escole<br />

Gastoû Febus d’avant 1984, du temps où elle était encore béarnaise et gasconne. Et voici qu’après<br />

plus de vingt années de militantisme et d’études, pour la plupart dans le cadre de l’<strong>Institut</strong> d’études<br />

occitanes, je me retrouve à préconiser une graphie qui n’est que celle de ces débuts, avec les améliorations<br />

apportées par Palay et tenant « compte des efforts réalisés dans ce domaine par l’école<br />

occitane », selon le vœu de Charles Samaran rappelé p. 308.<br />

Travail inutile ? Je ne le pense pas, pourtant. Car, à ma connaissance, c’est le premier ouvrage<br />

qui ne se contente pas de donner des règles de graphie, mais en expose les problèmes, l’histoire des<br />

solutions déjà apportées, et conclut par des règles soigneusement justifiées. En particulier, les

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