Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 84 Sociolinguistique du gascon<br />
Mais le vent de 1968 était peu favorable à l’élitisme des organes cooptés et au “mandarinat”<br />
des professeurs d’université. Le statut de 1946 paraissant intouchable du fait de la reconnaissance<br />
d’utilité publique qui y était attachée, c’est par une modification du Règlement intérieur — d’une<br />
légalité douteuse ! — que le Conseil d’études fut ouvert en 1977 à tous les adhérents, donc<br />
pratiquement supprimé en tant qu’organe d’études suprême.<br />
Peu après (1979), en présentant l’édition “occitane” de Beline de Camélat (cf. p. 135), le<br />
président de Nosauts de Bigòrra (cf. p. 80), I. Scaravetti, demandait l’indulgence des lecteurs pour<br />
les imperfections de ce travail car « Notre métier d’occitaniste ne nous laisse guère le loisir de<br />
prendre du recul. Nous n’avons pas le temps d’attendre la perfection. »<br />
Certes, celle-ci n’est pas de ce monde, mais le militantisme se prête mal à la réflexion et à la<br />
recherche, d’où ce divorce entre les universitaires des premières générations d’occitanistes et les<br />
militants des suivantes. Ainsi, rendant compte du n° 19 des Fascicle de l’Astrado prouvençalo, R.<br />
Teulat répondait à ses attaques contre l’I.E.O. par ce jugement sévère : « S’en prendre à l’I.E.O.,<br />
c’est oublier qu’il est en pleine décadence depuis quelques années. » (C.L.O. n° 11, 11/1982, p. 75).<br />
Certes, J. Sibille allait en quelque sorte relever le gant en lançant Estudis occitans au 2 nd semestre<br />
1986, mais cela n’a duré que 12 ans — 24 numéros semestriels —, et l’universitaire Christian<br />
Lagarde (2002) pouvait en écrire récemment :<br />
« L’occitanisme est devenu, depuis bien des années, malade de ces deux horribles<br />
péchés [ruminer sans cesse les vieilles querelles, regarder les choses “par le nombril de ses<br />
rancunes”] et ne finit pas d’en payer le prix, celui d’une rupture entre les générations de<br />
porte-drapeaux et de déchirures profondes entre un secteur militant capable d’autisme<br />
radoteur et une société qui n’arrive pas à se reconnaitre en eux, [vus] comme un nid de<br />
zizanies. »<br />
Et sur la réalisation souhaitable d’un dictionnaire tout en occitan, Serge Granier (2002) :<br />
« Mais monter un projet dans ce but, qui y pense ? “Faire des animations”, mettre<br />
des plaques de signalisation bilingues ou éditer des livres, cela ne t’en laisse pas le temps.<br />
Nous faisons beaucoup d’associations d’“éducation populaire” et d’éditions courantes ou<br />
savantes, rien qui soit un “institut” et s’occupe d’études. »<br />
On ne sera donc pas surpris de constater que la “production” des organes linguistiques de<br />
l’I.E.O. se soit limitée à quelques décisions sur la graphie, mères de graves dissensions dans le microcosme<br />
occitaniste, menant à la création en 1997 d’une autre association, le Conseil de la langue<br />
occitane (C.L.O.). J’en traiterai au chapitre sur la sociolinguistique des graphies, pp. 193 sqq.<br />
V – Se serait-on trompé ?<br />
Des institutions peu efficaces<br />
Jugeant avec le recul qui sied à des étrangers de l’efficacité réelle de ces institutions en faveur<br />
du seul béarnais — mais c’est sans doute valable bien au delà —, A. Kristol et J. Wüest écrivaient<br />
il y a près de vingt ans (1985, p. 53) :<br />
« Nous aurions aussi quelques réserves à formuler en ce qui concerne l’efficacité du<br />
travail des organisations qui luttent pour la survie du béarnais. Quand on vit à l’étranger,<br />
les publications émanant d’organisations occitanistes sont généralement un moyen<br />
d’information privilégié. Quand on enquête ensuite sur le terrain, on est frappé par le faible<br />
impact de ces organisations sur l’opinion publique. Il n’est pas douteux que trop souvent<br />
les activités des organisations occitanistes (et félibréennes) n’atteignent qu’un petit cercle<br />
de militants. »