Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 266 Écriture du gascon<br />
De telle sorte que dans L’application…, devant l’impossibilité d’ignorer le /#/, il est allé chercher<br />
(i)sh qui, pour être attesté dans l’« ancienne langue », l’est infiniment moins que (i)x, y compris<br />
en toponymie contemporaine : je n’ai trouvé aucun toponyme en sh, alors qu’à quelques kilomètres<br />
de Montréal d’Aude où Alibert tenait officine, Foix et Mirepoix affichent leurs -ix. Gaston<br />
Bazalgues était mieux informé quand il écrivait, à la p. 14 de L’occitan lèu-lèu e plan (1977) :<br />
« En ancien occitan, [x] équivalait au son ch du français et on le trouve dans quelques<br />
noms de lieux : Foix forme française reproduisant l’ancienne graphie se lit fouich. »<br />
Ou encore Jean Roux, grammairien limousin qui adapta au limousin les normes orthographiques<br />
de l’I.E.O. (Paraulas de Novelum, n° 68, Juin 1995, p. 23) :<br />
« La lettre x a été employée, pour noter [#], et donc s palatalisé (prononcé “à<br />
l’auvergnate”, comme “ch” français) surtout en Catalogne, comté de Foish (graphie demeurée<br />
Foix dans la forme officielle), Bigorre, Béarn, Navarre, Portugal; et cet usage<br />
(adopté par la graphie du catalan, du portugués et du basque) est monté jusqu’ici, comme<br />
on le voit dans des graphies comme Xaintes, Xaintonge (pour Saintes, Saintonge), Xaintrailles<br />
(contraction de Senta Aràlia, forme populaire de Eulàlia), (…). »<br />
Cela va même beaucoup plus loin dans le temps et dans l’espace : /#/ s’écrit par x dès les inscriptions<br />
aquitaines du III ème siècle (p. ex. Ilixoni pour Luchon; Gorrochategui Curruca, p. 332).<br />
C’est la graphie largement majoritaire de toutes les langues ibériques (cf. Lleal, p. 135) auxquelles<br />
se rattache le gascon (cf. le schéma de P. Bec, p. 15); en témoignent d’innombrables textes de<br />
l’ancien gascon et surtout de nombreux toponymes auxquels les populations sont attachées.<br />
D’aucuns ont voulu discréditer le x en le présentant comme une spécialité béarnaise. Or sans<br />
faire une recherche systématique dans les archives, j’ai rencontré des x bien loin du Béarn. Ainsi,<br />
dans les Registres de la Jurade de Bordeaux publiés en 1883, acte du 17 décembre 1415 : embaxaria,<br />
ambaixadors (p. 292); mais aussi, le 20 février 1416, embaissador (p. 323). De même, sans référence<br />
autre que la date de 1290, Cénac-Moncaut donnait dans son Dictionnaire <strong>Gascon</strong>-Français<br />
du Gers (1863) l’entrée « ric, rix, riche », rix étant à l’évidence un gallicisme acclimaté. On trouve<br />
aussi aixi {ainsi} et gexir {sortir} dans le Glossari gascon ancian dau Medòc de Berthaud (1975).<br />
Quant aux toponymes, en se limitant au domaine gascon, ils débordent eux aussi largement le<br />
Béarn et ses Mirepeix ou Soeix (Pyr. Atl.) : Azereix, Caixon (Htes Pyr.), Aux-Aussat, Cutxan (Gers,<br />
dont le chef-lieu Aux a francisé sa graphie Auch), Seix, Foix (Ariège), Xaintrailles (Lot-et-<br />
Garonne), soit Xentralha en gascon ancien, équivalent de Sentaralha {Loup-Sentaraille, Ariège),<br />
avatars de Senta Eulalia, etc. Un lieudit d’Eysines, à 9 km au nord de Bordeaux, est écrit tantôt<br />
Bois-Salut tantôt Boixalut dans un acte notarié de 1921; il est probable que le premier est la remotivation<br />
d’un Boissalut, variante non chuintée de Boixalut, qui peut bien signifier « couvert de buis »<br />
(boix), avec le même suffixe que bavalut, camalut, coralut, cornalut, costalut du Palay.<br />
Dans un système orthographique qui entend privilégier les graphèmes de l’« ancienne langue<br />
», on ne peut donc écarter le x pour /#/. C’est d’ailleurs ce que pensait à l’origine P. Bec, mais<br />
ce serait J. Séguy qui l’aurait convaincu de la rationalité de sh, forme palatalisée de s, comme lh, nh<br />
et th le sont de l, n et t. C’est vrai, et jouable pour une graphie créée ex nihilo pour une langue qui<br />
ne s’est jamais écrite; mais les Catalans pris pour modèle ont gardé x, ny et ll de leur tradition… Et<br />
la même rationalité aurait dû faire adopter zh pour /2/, comme forme palatalisée de z pour /z/; pourtant,<br />
s’y est opposé le fait que le i allongé en j note /2/ depuis l’imprimerie. On aurait dû faire de<br />
même pour le x qui notait /#/ plus de mille ans avant.<br />
Mais on peut reprocher à x d’être ambigu, puisqu’il a des emplois où il ne vaut pas /#/ : tous<br />
les composés de ex (examen, expausar, exterior…) et des mots savants comme axiòma, xenon etc.