Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 137 Écriture du gascon
étymologique. Ex. Car(n) = chair, du latin carnem. - Poun(t) = pont, du latin pontum,
etc. »
On pardonnera au latiniste qu’il n’était pas ce barbare *pontum fidèlement recopié depuis
1932, mais on est en droit de lui demander où se trouve cette « raison que nous avons dite plus
haut ». À mon avis, cela ne peut être que dans l’alinéa de 1932 supprimé en 1961, de telle sorte que
nous avons aujourd’hui affaire à un renvoi dans le vide.
En effet, cet alinéa justifiait « quelques indications graphiques » — ce que sont justement ces
consonnes finales entre parenthèses — comme destinées aux grammairiens, linguistes et littérateurs
qui « en dehors de notre pays […] s’intéressent à nos dialectes ». Rien ne disait qu’elles fussent
destinées à l’écrit gascon si on ne les entend pas. C’est ce que confirment les préambules des lettres
N et T et encore plus la pratique de Palay dans les exemples : fidèle à la notation des seules consonnes
qui s’entendent, il veut qu’on écrive poun ou pount, car ou carn selon que l’on entend [pun,
kar] ou [punt, karn], la condition nécessaire de ces dernières prononciations étant la liaison avec un
mot débutant par une voyelle : on dit aussi bien [pun es'tret] que [punt es'tret] selon les lieux; de
même, à l’article car(n), Palay écrit qu’èm de car e d’os sans -n en liaison, et jou la carn e tu lous
os, avec liaison. En fait d’ailleurs, cette notation entre parenthèses de consonnes étymologiques
finales ne se trouve que dans moins de cent entrées du Dictionnaire :
3 mots en -m(b) ou -m(p) : loum(b); càm(p), trém(p);
1 mot en -s(c) : bos ou bosc [ici, Palay n’use pas de la parenthèse];
1 mot en -n(d) : chalàn(d);
14 mots en -ar(d) : arnàr(d), arretàr(d), asàr(d) [mais hasar], bar(d), bastàr(d), brancàr(d),
broulhàr(d), dar(d), far(d), foulàr(d), palhàr(d), par(d), tar(d) [et retàr(d)];
2 mots en -er(d) : bér(d) [et entre-bér(d)];
9 mots en -or(d) : acòr(d) [et racòr(d)], bor(d) [et abòr(d), d’abòr(d), desbòr(d),
estrambòr(d), faus-bor(d) et plat-bor(d)];
2 mots en -our(d) : sour(d), tour(d);
1 mot en -(g) : can(g), faus-bour(g) [mais bourg];
3 mot en -r(n) : car(n), còr(n) [et recòr(n)], tour(n) [mais retour];
2 mots en -(r) : bire-ca(r), du(r)
5 mots en -c(t) : courrèc(t), dirèc(t), respèc(t), souspèc(t), tac(t)
21 mots en -n(t) : can(t), cap-d’abàn(t), cén(t), clien(t), dén(t), jun(t), parén(t), pen(t), plan(t),
porte-lan(t) [mais lant], poun(t) [et perpoùn(t)], pun(t), quen(t), quin(t), quoàn(t), reboùn(t), san(t),
scién(t), sén(t), tan(t);
1 mot en -m(pt) : exém(pt)
21 mots en -r(t) : countre-espèr(t) [mais espèrt], cour(t), cubèr(t) [et descoubèr(t)],
descounòr(t), desèr(t), dessèr(t), escàr(t), espàr(t), for(t) [et counfòr(t), recounfòr(t), renfòr(t)],
fur(t), par(t) [et despàr(t)], rapòr(t), repor(t), sor(t), tor(t), ubèr(t);
2 mots en -s(t) : cos(t), parrabàs(t)
Cette liste est en principe exhaustive, mais on voit par quelques exemples que certains mots
simples ne sont pas traités comme leurs composés, et bos / bosc aurait dû être noté bos(c); et il y en
a sans doute quelques autres ainsi.
Donc, pour Palay, comme pour l’E.G.F. depuis 1900 (cf. p. 120), les consonnes ne s’écrivent
que si on les prononce. Pour le reste, que dire de la « graphie de Palay » ?