Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 223 Écriture du gascon
Bien sûr, tout cela est plein de contre-vérités que je dénonce, preuves à l’appui, dans mon
commentaire. Cela montre en tout cas que M. Grosclaude est déjà parfaitement imprégné des thèses
occitanistes sur la graphie, y compris le mythe de la lecture facile des textes anciens grâce à elle. Ce
qui a fait écrire : « Dans la querelle des orthographes, la graphie occitaniste était un dogme auquel il
ne dérogea jamais. » (Laborde-Balen, 2002, p. 416). Mais en 1967, M. Grosclaude est encore techniquement
assez faible sur le sujet; dix ans plus tard, sa méthode Lo gascon lèu e plan témoignera
d’une bonne maitrise de l’affaire.
Ce qui me parait essentiel, c’est cette phrase : « Vous avez de votre langue une connaissance
auditive et non visuelle. Vous ne la reconnaîtrez pas en la voyant, mais en l’entendant. » Non seulement
ces enseignants à l’esprit délié minimisent l’effort que demande l’adoption de règles de lecture
fort différentes de celles du français auxquelles les gens sont habitués, mais encore ils
s’adressent à des béarnophones confirmés, comme eux-mêmes.
Or pour ces gens-là, leur connaissance de la langue leur cache les défauts du système pour qui
veut retrouver un oral qu’il ne connait pas : tout comme « les poules du couvent couvent » ne pose
aucun problème de lecture au francophone habituel, « Jan que minja plan » {Jean mange bien}, par
exemple, n’en pose pas davantage au gasconophone habituel qui fait bien la différence des deux -an
et lit [jan ke 'minjœ pl!/pl!"].
Mais étant seuls interlocuteurs de l’Éducation nationale sur ce sujet, les animateurs de Per
nouste vont bientôt faire adopter leur point de vue dans un document officiel.
Un document officiel (1972)
Du n° 8 de Septembre-Octobre 1968 au n° 66 de Mai-Juin 1978, l’une ou l’autre page intérieure
de la couverture de la revue Per Noste allait donner un résumé des règles de lecture de la graphie
classique, suivi de quatre justifications du choix de cette orthographe; d’abord sous le titre
« Apprenons à lire le gascon-béarnais dans son orthographe normalisée » (jusqu’au n° 45 de novembre-décembre
1974), puis sous celui plus général de « Comment lire le gascon : (Albret, Armagnac,
Ariège, Bazadais, Béarn, Bigorre, Chalosse, Comminges, Gironde, Landes, Lomagne, Marensin,
Médoc…) ». Puis, du n° 67 de Juillet-Aout 1978 au n° 179 de Mars-Avril 1997, on ne publia
plus que le résumé des règles.
Or la page entière, sous son premier titre, fut reprise en page 3 d’une brochure de la fin de
1972, L’occitan au baccalauréat - Fascicule gascon - Programme agréé par la Commission Académique
pour l’Enseignement des Langues et Cultures Régionales. Cette commission est l’éditeur
de la brochure qui était en vente au Centre régional de Documentation pédagogique (P.N. n° 32, 9-
10/1972, p. 2); c’est donc une publication officielle de l’Éducation nationale.
Un texte de Roger Lapassade présente la brochure comme un « embryon d’anthologie occitane
destiné aux Classes Terminales de l’Académie de Bordeaux ». Ont également collaboré à sa
préparation cinq autres professeurs, pour la plupart de l’équipe orthézienne de Per noste. Mais il est
vraisemblable que tous n’ont pas eu connaissance de la page introductive sur la graphie.
Des règles de lecture lacunaires, voire erronées
L’examen attentif de cette page révèle en effet nombre de lacunes, d’approximations et même
d’erreurs :