Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 138 Écriture du gascon<br />
Palay et les problèmes pendants<br />
Certains problèmes demeuraient pendants depuis 1905; qu’a fait Palay ?<br />
– pour le -e final, Palay distingue le -e prononcé [e] dans le sud-est gascon du -e “féminin”<br />
qui y vaut [o ou a] en plaçant un point sous le premier : (gab", crabe); et il renforce l’opposition en<br />
mettant un accent sur la voyelle tonique qui précède : gàb"; mais ce dernier diacritique est double<br />
ment “neutralisé” parce que :<br />
– d’une part, de nombreux mots en -e “féminin” ont un e ouvert à la pénultième, qu’on ne<br />
peut noter autrement que par è : lèb", mais que’s lhèbe (il se lève); bère, etc.<br />
– d’autre part, en fait, Palay a noté des accents tout-à-fait superflus sur la pénultième de<br />
près de 300 mots en -e féminin : absénce, baticoùmbe, cébe, descénte, etc.<br />
– pour le ou tonique, Palay l’a aligné sur les autres voyelles, donc noté où s’il est “pur”, oû<br />
s’il est nasalisé : coùrr", pastoù, carboû, layroû; donc problème résolu, et bien;<br />
– l’h muet, Palay l’a complètement écarté, en principe du moins (cf. p. 323) : « N’est pas<br />
employée comme muette » (Préambule de la lettre H);<br />
– mais rien ne distingue le -n vélaire (biro-marquin, bluhoun, bourroun, caferoun, camoun,<br />
capdelaran, etc.) des mots “gascons” du -n dental de tous les parlers (ardoun, augan, barrabinbarraban,<br />
engan, praubin, etc.);<br />
– ni le e légèrement nasal du é pur tonique, comme il l’était en 1900.<br />
Palay a donc bien réglé deux des cinq problèmes pendants. On doit aussi mettre à son actif<br />
l’usage du ç, réintroduit par Bouzet : abançà, açò, ahounçà, bençùt, coumberçà, fayçoû, etc.<br />
En revanche, sa fidélité à ces règles… et peut-être aussi son souci de semer les accents de<br />
repérage comme le Petit Poucet les cailloux, lui ont fait maintenir l’inutile accent aigu sur le é<br />
tonique en pénultième de mots terminés par -e(s) ou -"(s) : estéle, créd"…<br />
Il en a même rajouté, avec les non moins inutiles accents sur la voyelle forte des<br />
diphtongues : abadiàu, abancìu, apèu, aquìu, héus, etc.; abarréys, afàyt, anoéyt., arày, arrisòy,<br />
arroùy, coùy, etc. et les innombrables mots en -àyr".<br />
Camélat l’avait d’ailleurs critiqué sur ce point :<br />
« Dommage que le Capdau, malgré l’avis d’hommes sages comme Lacaze, Laborde,<br />
etc., ait semé les mots d’accents à tort et à travers. Certes, il veut marquer la tonique, mais<br />
il a beau dire, il est le seul à avoir ainsi changé la face des mots. (Lettre du 9 aout 1932 à<br />
André Pic, Camélat, 1967, p. 9).<br />
Au demeurant, Palay lui-même n’a jamais usé de tels accents dans ses propres écrits, même<br />
après la publication du Dictionnaire en 1932.<br />
On peut aussi considérer comme une innovation par rapport aux règles de 1905 le fait qu’il ait<br />
remplacé le -e féminin par -o dans les mots qu’il a jugés propres à des régions gasconnes qui le<br />
réalisent par [o]. Or les règles de 1900 l’avaient totalement exclu (« Dans tous les cas l’orthographe<br />
par e est uniforme. ») et celles de 1905 s’étaient bornées à le mentionner comme la pratique de<br />
« quelques auteurs », à raison d’influences extérieures au gascon cf. p. 124). En admettant ce -o au<br />
même titre que le -e général, Palay a peut-être voulu contenter l’est gascon 23 , mais a péché contre<br />
la graphie vraiment englobante souhaitée au début du siècle.<br />
23 Pourtant, A. Sarrail a fait remarquer que de 1910 à 1914, La bouts de la terre n’admettait que le -e, sans pour autant<br />
manquer de rédacteurs ni d’abonnés en Bigorre et Armagnac (Sarrail, 1980, p. 21, note).