Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 69 Sociolinguistique du gascon<br />
basque, animateur de la fête des bergers d’Aramits, où il fait chanter « en béarnais » ses<br />
élèves barétounais, propos rapportés dans L’Éclair, 18 Sept. 2002).<br />
Qui plus est, la compétence linguistique obtenue en fin de parcours scolaire ne permettra<br />
guère un usage habituel de la langue :<br />
« Ce n’est pas un mystère que 90 % de ceux qui présentent l’épreuve d’occitan au<br />
bac ne sont pas seulement capables de faire un phrase de cinq mots. » (S. Pepissaire, 1980).<br />
« …le nombre de ceux qui apprennent l’occitan à l’école augmente. Mais peu<br />
nombreux sont ceux qui l’apprennent jusqu’à le maîtriser véritablement. Ils le lisent, le<br />
comprennent, mais, le plus souvent, ils n’ont pas une grande capacité d’expression. Ils ont<br />
une pratique restreinte de la langue et cela les gêne, au point qu’ils hésitent à l’employer et<br />
qu’ainsi, leur compétence ne peut guère s’améliorer. Donc, globalement, la compétence<br />
linguistique baisse […] » (G. Kremnitz, 1992, p. 244)<br />
Même constat, malgré le ton optimiste, de la part de J.-P. Latrubesse qui voulait, à la fin de<br />
son article de 1995 (cf. p. 66), « crier nos réussites »; il citait ses élèves littéraires qui avaient été<br />
forcés de prendre l’occitan comme troisième langue vivante sous le régime de la “loi Haby” :<br />
« ces jeunes, pas du tout motivés, ont été enthousiastes de découvrir une langue, une<br />
littérature, une culture […]; tous ont été capables — peu ou prou — de parler pour<br />
l’épreuve du bac. »<br />
D’où la tentation de certains, et non des moindres, de renoncer à toute référence à la langue<br />
du pays, ravalée au rang de patois; ainsi, dans l’interview de 1995 déjà citée, J. Salles-Loustau a cru<br />
pouvoir affirmer : « On n’est pas là pour enseigner le patois. Le patois est mort, c’est l’occitan qui<br />
reste ». De fait, ne sont pas rares les témoignages dans ce sens sur le “qualitatif” :<br />
« la langue enseignée, le plus souvent dénommée occitan, est parfois un peu<br />
différente de celle que certains enfants ou adolescents entendent chez eux (on cite des cas<br />
où, pour cette raison, la communication entre les générations se fait mal ou pas du tout). »<br />
(B. Moreux, 2001).<br />
« Et encore, je n’ai rien dit de l’impression qu’ont les plus jeunes de parler le<br />
véritable occitan, tandis que les locuteurs naturels parleraient un patois qu’on peut<br />
négliger. » (Michel Audoyer, Lo Gai Saber n° 491, 2003, p. 445).<br />
« Beaucoup de néo-occitanophones traitent notre langue comme si elle était tout à<br />
fait morte et donc s’en considèrent comme les uniques propriétaires.<br />
« Souvent, ils n’ont pas reçu la langue en famille. Ils l’ont apprise… laborieusement<br />
et mal, semble-t-il. Mais au lieu d’être humbles, ils imposent leur médiocrité. » (Alain<br />
Broc, ib. p. 449).<br />
Le décalage entre langue enseignée et langue parlée a même été reconnu avec humour par le<br />
sage pédagogue et fin connaisseur de la langue André Lagarde, qui venait tout juste de publier un<br />
remarquable dictionnaire scolaire occitan-français et français occitan (languedocien). Dans sa chronique<br />
de langue de Lo Gai Saber (n° 463, 1996, pp. 282-3), il relatait ainsi une conversation avec<br />
une fermière chez qui il avait accompagné son mythique ami M. Laplume, venu quérir son lait :<br />
« — Vous ne craignez pas le mal de la vaca bauja {vache folle} ?<br />
« — Plait-il ?<br />
« — De la vaca fòla, précise M. Laplume.<br />
« — Oh ! ça ne risque pas ! Ici, Monsieur, nous ne nourrissons pas le bétail avec de<br />
la farine artificielle. Nous ne lui donnons que du bon fourrage, du bon tourteau…<br />
« Elle m’a répondu d’un air hargneux.<br />
« — Excusez-moi, Madame Cabirol, je vous posais des questions rien que pour<br />
plaisanter. Vous savez, dans les journaux on en parle a bèlas paginas {à pleines pages}…<br />
« — Comment dites-vous ?