Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon

Jean Lafitte 185 Écriture du gascon
En outre le -é a les apparences d’une lettre tonique que l’on sera tenté de prononcer dans
crédé comme dans labadé. Le palliatif est de marquer d’un accent écrit la voyelle de la pénultième
lorsque le -é final est atone : crédé; mais c’est très lourd en accents, et demande un raisonnement,
tout comme l’opposition entre o, ó et ò dans la graphie classique. Or la simplicité de lecture appelle
des automatismes faciles à acquérir. Les développements par lesquels les auteurs reviennent
plusieurs fois sur cette question (pp. 28, 32, 33, 34) montrent qu’on est loin du compte.
Peut-être est-ce cela qui a conduit les auteurs à ne pas donner de règle sur la place de l’accent
tonique, se contentant d’indiquer « en gras la voyelle de la syllabe tonique » (p. 25), alors qu’une
rédaction première de l’introduction en donnait une, très simple, que l’on peut regretter :
« Dans les mots de plus d’une syllabe, faites ressortir fortement : 1) l’avant-dernière
syllabe si elle est marquée d’un accent (sàpou, bédé) ou quand la syllabe finale comporte
un e non accentué (gouyate); 2) dans tous les autres cas, la dernière syllabe (gouyat). »
Pour écrire, par contre, les auteurs donnent des règles assez complexes de notation de l’accent
tonique dans certains cas, pas dans tous (p. 34).
Quant à l’écriture du /e/, elle n’est pas simple non plus : c’est é, sauf si ce /e/ est atone et non
final, cas où il est noté e. Encore un raisonnement à double critère…
Tonique
Atone
Initial ou
intérieur
é
mounéde
e
eslou
apiela
Final
é
bouridé
é
bàdé
En conclusion, nous avons là un effort louable pour obtenir une graphie fidèle de la langue
parlée du Béarn, appuyé sur des enquêtes scrupuleuses auprès d’informateurs de choix. Mais la
simplicité visée ne me parait pas au rendez-vous, tandis qu’une vision de la langue trop limitée au
Béarn risque de priver cet intéressant travail d’une audience en dehors de ce seul territoire.
37 – Le « gros » dictionnaire Français-Gascon de Per Noste (A-K, 2003)
La fin de 2003 a vu la parution du premier tome A-K d’un Dictionnaire Français-Occitan
(gascon) publié par Per Noste et qui comptera quelque 40 000 entrées selon l’Avant-propos posthume
de M. Grosclaude (p. 7). C’est le « gros dictionnaire Français-Gascon » qui était déjà dans les
projets de l’association en 1973 (P.N. n° 38, 9-10/1973, p. 20); l’idée était de « retourner le Palay »
qui est gascon-français (p. 7). De fait, le n° 84 de mai-juin 1981 de P.N.-P.G. publiait, p. 13, « un
exemple de ce que pourra être une page du dictionnaire Français/Gascon […] en préparation », le
début de la lettre T. Pourtant, le travail fut interrompu pendant plusieurs années, « Je ne saurais dire
pour quelles raisons » nous confie M. Grosclaude (p. 8). C’est « vers 1996 » qu’il fut décidé de
reprendre ce travail (p. 8). Quand sera paru le second tome, ce sera donc l’aboutissement de trente
années de préparatifs et de réflexions.
Développement du Civadot des mêmes auteurs, le Dictionnaire adopte la graphie classique de
Louis Alibert, dans les mêmes termes, à 20 ans près, ce qui appelle les mêmes commentaires (cf.
pp. 160-1). Ce choix va de soi pour les auteurs, et n’a pas besoin d’être justifié par les mérites
intrinsèques de ce système.