Thèse J. Lafitte - Tome I - Institut Béarnais Gascon
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Jean <strong>Lafitte</strong> 280 Écriture du gascon<br />
-/ts/ final noté par -tz ou -ts, selon les cas<br />
Ceci précisé, je ne vois pas d’inconvénient à ce que -/1/ final soit écrit -tz dans les conditions<br />
fixées par L’application… Pourtant, le critère d’emploi n’est pas simple; certes, pour les 5 èmes personnes,<br />
il est grammatical, donc facile à mettre en œuvre; mais recourir à l’étymologie pour les autres<br />
cas n’est pas à la portée de tous.<br />
Bien plus simple est la règle incluse dans les normes officielles aranaises, adoptées sur proposition<br />
d’une commission où siégeaient plusieurs Français (cf. p. 158) :<br />
« 23. tz […] en position finale s’entend comme ts [1] : auetz, ditz, prètz (vous avez;<br />
dites; prix). On n’utilise la graphie ts en position finale que lorsqu’elle correspond au pluriel<br />
d’un mot terminé en t : auets, dits (avets, dits). »<br />
C’est donc écarter la référence à l’étymologie et revenir au principe B de La réforme… de<br />
graphie phonétique des mots de formation populaire; n’étant plus que grammaticale, la règle est à la<br />
portée de toute personne qui veut écrire.<br />
Il faut pourtant affiner cette règle, car au pluriel de mots en -t, il faut ajouter :<br />
– les formes brèves de la 2 ème personne de quelques verbes : la plus connue est que pòts pour<br />
que pòdes {tu peux}; mais il y a aussi que dits, que plats pour que dises, que plases {tu dis, tu<br />
plais}, homophones de la 3 ème pers. que ditz, que platz; est ainsi célèbre — et mal orthographié<br />
d’ordinaire — le vers de la chanson Rossinholet :<br />
Que’t plats e que t’encantas {Tu te plais et tu t’enchantes<br />
Auprès de ta mieitat. Auprès de ta moitié}<br />
Ces formes en -ts s’opposent ainsi aux formes en -tz des 3 èmes personnes de verbes en /1/ :<br />
– d’étymon latin en ‘-cere’ ou ‘quere’ : ‘conducere’ > condúser, que condutz; ‘coquere’ > còser,<br />
que còtz; ‘dicere’ > díser, que ditz; ‘jacere’ > yàser / jàser; que yatz / jatz; ‘nocere’ > nòser, que<br />
nòtz; ‘placere’ > plàser, que platz; ‘tacere’ > tèser; que tètz 34 ;<br />
– ou d’étymon latin en ‘-dere’, par analogie, du fait de l’identité des terminaisons d’infinitif<br />
en -ser en occitan et dans le gascon des régions de contact, jusqu’au Vic-Bilh; ce sont des formes<br />
moins répandues que les précédentes, et moins que les formes en -d, correspondant à l’infinitif en<br />
-der et rappelées ici pour les deux premiers verbes (cf. ALG V, 1847, 1851, 1864) : ‘cadere’ > càder,<br />
que cad ou càser, que catz; ‘credere’ > créder; que cred ou créser; que cretz; ‘fodere’ > hòser,<br />
que hòtz; ‘prurire’ > ‘*prudere’ 35 > prúder; que prutz; ‘ridere’ > arríser, qu’arritz; ‘sedere’ > sèser<br />
(en 2 points seulement de l’ALG IV, 1546), que sètz; ‘videre’ > véser, que vetz. S’y rattache que<br />
cotz, du verbe cóser {coudre}, issu, lui du latin ‘consuere’ (cf. R. Darrigrand, 1974, p. 130).<br />
La graphie aranaise en -tz étendue à l’ensemble gascon concerne donc finalement :<br />
– les mots déjà écrits ainsi : les 5 èmes personnes des verbes en -[1], et divers mots issus de c ou<br />
ti latin (alavetz, arraditz, crotz, dètz, que ditz, lutz, patz, perditz, que platz, prètz, putz, soritz, vitz,<br />
votz…) {alors, racine, croix, dix, il dit, lumière, paix, perdrix, il plait, prix, puits, souris, vis, voix};<br />
plus d’autres plus rares, cautz {chaux (en Bazadais)}, hautz {faux} (ALG II, 339), heutz {fougère},<br />
graphie de B. Manciet, et des mots en -rtz prononcé en [r1] ou en [rs] selon les lieux : dimartz (<<br />
dies Martis) {mardi}, martz (< martius [mensis]) {mars}…<br />
34 Forme supposée; en face de carar, très majoritaire et de taisar dans le nord du domaine, l’ALG IV, 1597 ne signale<br />
tèser que dans une étroite bande du gascon maritime, de Bayonne à Vielle-St-Girons; mais le mot manque au Palay et<br />
même à Que parlam (cf. p. 172) alors que Mistral le mentionnait comme béarnais (mais vu de Maillane…).<br />
35 Forme populaire supposée par l’italien prudere, probablement par dissimilation.